blog d'un Lusisien en Vadrouille

Newsletter 31

Le 24/11/12, 17:09

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Buenos dias à toutes et à tous,

Dans ma folle descente vers le bout du monde, je vais faire un changement de bus assez déconcertant, mon bus qui va à Punto Arenas va croiser celui qui en vient et qui va lui en Argentine. Les deux bus s'arrêtent au milieu de la route, s'échangent les passagers et repartent. Puis c'est une longue route à travers les étendues désertiques de la patagonie, vastes plaines plates où seuls de petits buissons poussent, de quoi sustenter les troupeaux de moutons des nombreux ranchs chiliens. C'est d'ailleurs ce qui me dérange le plus ici, l'omniprésence de barbelés, même jusque dans les parcs nationaux privatisés en partie.
Le bus s'arrête, tout le monde descend pour prendre un ferry. On franchit le détroit de Magellan pour entrer sur l'île de la terre de feu. Autant de lieux évocateurs, on ne peut s'empêcher de penser à tous ces explorateurs venus s'échiner ici pour cartographier la région. Je passe la frontière, l'île est partagée en deux entre Chili et Argentine.
Tin tin tin, tin tin vous vous rappelez du générique ?
Séquence boutdumondation avec l'entrée dand Ushuaïa, terminus de la descente. Là-bas, pas très loin, au delà du canal de Beagle, c'est le mythique Cap Horn. Il n'y a plus ...QUOI? On nous aurait menti à l'insu de notre plein gré? Il y a une ville plus au sud, Puerto Williams, coté chilien. Ouais, mais Puerto Williams, comme le dit Nicolas H. c'est moins accrocheur comme titre d'émission. Et comme la courte traversée en canot pneumatique coûte la bagatelle de 200$, et bien on y va pas et on oublie.
Séquence enferetdamnation avec le message "Initialisation en cours, formattage de la carte SD" au démarrage de ma tablette. C'est cool, je me retrouve au bout du monde avec un bidule vierge de toutes données, sans application, utile comme un dessous de plat. Je vais me lever tôt demain, aidé en cela par ma malédiction "gros ronfleur dans le dortoir", et je vais faire des emplettes sur l'android market pour réparer tout cela.
Et devinez qui je retrouve ici? Casimir? Non, ma petite M.
Forcement, Ushuaia, c'est un cul de sac.
Elle m'apprend le rythme argentin, lever au mieux à 9h30, pause déjeuner (les magasins ferment de 12h à 15h voire 17h) puis diner mais pas avant 22 ou 23 heures. Elle m'apprend aussi les mauvaises nouvelles, que l'Argentine va nous coûter une petite fortune, faute à une inflation galopante qui atteint parfois 100% en une année sur certains produits. Sans parler des transports en bus qu'on croirait que t'achètes un billet TGV 1ere classe à chaque fois. Coté logement, c'est direction le dortoir d'office, avec option boules quies pour moi. Un conseil, n'investissez pas en Argentine, elle court droit vers la banqueroute. C'est même malheureux car elle fait fuir les backpackers désargentés.
On va quand même investir dans une sortie culturelle pour visiter le musée du bout du monde, histoire d'en apprendre plus sur les indiens indigènes qui ont été lentement désintégrés dans la société moderne ou encore sur le bagne qui a fait vivre la ville avant l'arrivée des touristes.
Le lendemain c'est jour de rando pour redonner du rythme à M. qui s'en va faire le trek du W toute seule.
En ce qui me concerne, je remonte sur El Calafate, en avion, vu que pour le même prix tu évites les 30 heures de bus et les multiples pénibles passages en douane.
Comme le monde il est petit! A El Calafate, je croise en ville Anissa et Pauline, deux jeunes grimpeuses des alpes avec qui j'ai co-randonné dans les torres.
Malheureusement, aucune des deux ne peut se payer le trekking sur glacier, une société ayant acquis, honnêtement c'est sûr, le monopole sur cette activité sur le périto moréno.
Je m'en vais seul, je commence à en avoir l'habitude, voir ce glaçon vivant.
Après deux heures de marche crampons aux pieds et après le verre de l'amistad, on aura le loisir d'aller observer le gigantesque mur de glace duquel sortent des craquements sourds.
Et soudain, dans un grand fracas, une petite tour de glace bleutée s'effondre dans le lac d'argentine. Du grand spectacle.
Comme je suis dans le coin, je pousse jusqu'au parc des glaciers pour 3 autres jours de trekking. A l'entrée (je mentionne la gratuité sinon on va dire que je suis mauvaise langue), un ranger annonce "fenêtre de beau temps de 5 jours".
Au 1er campement où je me réfugie grelotant, en pleine tempête de neige, j'ai tout le loisir de repenser à la pertinence de ses propos.
Le lendemain, après une nuit un peu fraiche, je le vois enfin, le fameux pic tant redouté des grimpeurs, j'ai nommé le Fitz Roy ( je mentionne aussi qu'il y a du soleil).
Après 3 jours, je regagne El Calafate pour un repos bien mérité mais le sommeil tarde à venir malgré la fatigue. Une question me tarabuste, toujours mon coté scientifique. Qui fait le plus de décibels? 10 verrats ou le goret qui dort dans le lit voisin?

Il y a mille et une façons de visiter et d'apprécier un pays. Mes jours (de vacances je précise) sont maintenant comptés. J'aligne les chiffres, les heures de bus, les pesos, et le résultat ne me plait guère. Je ne veux pas courir l'Argentine, j'ai envie d'autres choses. C'est sans doute tous ces ranchs entrevus qui font que je me porte volontaire pour aider un gaucho perdu dans le nord de la patagonie. Au programme, nuits sous tente à coté d'une baraque en terre, sans eau, sans électricité. Pas une estancia à touristes, non, une semaine authentique dans la plus grande simplicité. J’atterris à El Cholar après avoir enchainé 40 heures de bus. J'y rencontre Jorge, 46 ans, mon gaucho qui vient me chercher dans un antique pickup ford des années 50. La 2eme vitesse coince, refuse de passer. Il ne comprend pas pourquoi vu qu'hier cela marchait bien. M'enfin...
20 minutes plus tard, on arrive sur son campo, 5000 hectares de broussailles caillouteuses parcourues par une rivière. Je vais y vivre avec ses 14 chevaux criollos, ses 40 vaches à viande, ses chèvres, ses poules, son chat et ses 4 chiens dont le petit dernier, un dogue d'un mois et demi dit le pirate, me machouillera les mains avec ses petites dents toutes neuves.
Pour l'accompagner dans les chevauchées, il m'attribue Ornero, un jeune mâle noir qui ne connait pas le trot. Il marche ou il galope. Avec son fils Nicolas venu pour le week-end on fait le tour du propriétaire et on s'arrête pour entreprendre des fouilles sur les anciens sites des indiens mapuche.
On ira ensuite ferrer un cheval chez son ami Ricardo, un autre gaucho.
Ils s'appellent tio (oncle) entre eux, pour signifier qu'ils appartiennent à la même famille, comme une fratrie. On reviendra pour marquer 100 chevrettes. Le marquage consiste à entailler les oreilles en faisant 5 encoches. Ça saigne, ça crie. Après avoir prouvé mon inefficacité au lasso, je passe au poste plaquage de la bête pour la taille. Je tiens la tête, j'ai le sang d'une centaine de chèvres aux yeux bleus sur les mains. En plus, la centième aura souffert inutilement puisque Ricardo va l'égorger, la dépecer et mettre la moitié dans son four à gaz rudimentaire.
On rentrera à minuit, après une soirée arrosée. Faire du cheval dans ces conditions est, je l' avoue, assez stressant. J'y vois rien, mon cheval est nerveux et pressé de rentrer mais je tallonne Jorge qui connait le chemin.
Ou plutôt son cheval connait le chemin car Jorge a un peu abusé du vino.
Chez un autre gaucho, j'irais donner un biberon de 3 litres de lait à un veau. Il engloutit le tout en 1 minute, le goinfre, et me suit partout ensuite, me prenant pour sa mère.
Je nage en plein far-west, on passe la matinée à rassembler les troupeaux de vaches, on fait la sieste traditionnelle sous le soleil de midi en faisant cuire des côtelettes (plus que 98 chevrettes). Au soir, Jorge sort sa guitare pour nous jouer des airs de cuenca, musique folklorique loin du tango des citadins.
Je quitte à regrets ce petit coin de paradis, je retourne en terre civilisée, faire une action inconnue de ces cow-boys : consulter mes mails.

A+ pour la fin des aventures

S.

PS: séquence rentralamaison : mon appareil photo est HS.

Voir les photos : Argentine - Ushuaia ]

Posté par ceeeeb

Newsletter 30

Le 11/11/12, 16:40

28.2611197259.21527828125

Buenos dias à toutes et à tous

Le Chili, c'est bien connu, c'est tout en longueur. Et en plus, arrivé au nord de la Patagonie, c'est le drame, y'a plus de route. 3 solutions sont possibles pour les voyageurs que nous sommes: la croisière de quatre jours à travers les fjords, le bus de trente heures qui passe par l'Argentine ou le saut de puce en avion.
Hé hé, avec toutes ces nuits froides passées sous ma tente, j'ai les moyens de me payer un trajet en aéronef, comme les survivants.
Et hop, direction Puerto Natales en passant par Punto Arenas.
Dans cette ville basée sur l'activité touristique, ma guesthouse est assez chère mais en contre-partie le petit dej est royal. Après avoir pantagruelisé de bon matin, je mets le nez dehors pour me balader dans une ville déserte. Quasiment tout est fermé, chose très rare, et les chiliens s'échauffent les esprits pour les élections municipales dimanche prochain.
J'entends quand même quelques bruits caractéristiques un peu oubliés chez nous, celui des pneus à clous, preuve d'un climat assez rude.

Même motif, même punition. J'apprends de la bouche d'un guide que la grande boucle est fermée. On est trop tôt dans la saison et la passe Gardner est encore enneigée.
Mais c'est quoi cette boucle, c'est quoi une passe, c'est qui ce Gardner? Help!
Okay, bon, pour les quelques personnes qui auraient oublié, je rappelle que Puerto Natales est célèbre pour son parc national des torres del paine avec l'un des treks les plus connus dans le monde, celui du W.
Comme M. est super motivée pour faire ce trek avec bibi et qu'elle ne viendra que dans 6 jours, je m'en vais faire un peu d'échauffement dans le sud du parc à défaut de pouvoir faire le grand tour.
Et en plus j'aurais la chance de tout payer au tarif pleine saison, le bus, l’hôtel, l'entrée du parc. Là, la neige, elle a pas gelé les prix.
L'administration qui s'occupe des parcs au Chili s'appelle le conaf, ce qui fait déjà 4 lettres en commun avec le qualificatif qui leur sied le mieux.
L'un dit "ouvert", l'autre dit "fermé", un autre " vas-y et si c'est fermé tu reviens." Des pros!
Je vais donc prendre des chemins sûrs pour éviter de marcher deux jours pour des prunes.
1er jour sous le soleil mais un vent de face à vous rendre fou. A tel point que je mets mon joli bonnet, cadeau ô combien utile de ma sœurette.
Musique, bonnet, je chemine dans cette partie sud totalement déserte et j'arrive au premier campement que j'ai pour moi tout seul.
Réveil sous la pluie, qui me fera l'honneur de m'accompagner pendant les 4 prochains jours.
Oh le menteur, même pas vrai, j'ai eu quelques éclaircies à la fin pour compenser des averses de neige et de grêle que j'ai affrontées vers le glacier grey.
Au troisième jour, je campe carrément sur un lit de boue. Avec mon matelas pneumatique, je trouve cela finalement assez confort. Mais à remballer la tente, c'est un peu dégeu surtout avec les doigts engourdis par le froid!
Au détour d'un chemin, je vais surprendre un lapin. Un petit, mais avec un ENORME manteau de fourrure. Pas bête le lapinou!
C'est comme le guanaco, le lama patagonien, très poilu, ou encore le nandu, un petit émeu très...plumeux?
Sous le rare soleil, les paysages sont magnifiques, les couleurs incroyables. Le glacier produit de magnifiques icebergs bleutés.
Malheureusement, mon appareil photo est devenu hyper récalcitrant. Sable fin du Pérou + humidité ambiante = c'est la cata.
Il refuse parfois de s'ouvrir, de faire le focus, de se fermer, de zoomer. C'est un peu galère, rageant, je peux oublier les photos instantannées.
J'ai même raté de superbes images d'un oiseau assez rare dans le parc d'après le guide, le carpintero patagonico à tête rouge. GRrrrr....
Et encore, je vous dis pas que ma batterie de secours s'est mise en court-circuit et a grillé.

Me voila bien échaudé, je peux rentrer à Puerto Natales pour accueillir M. avec un petit cadeau pour elle qui collectionne les sables de ce tour du monde: un petit sachet de cendres tout droit sorti du volcan puyehue.
Un truc que j'aime bien chez les filles, c'est le coté imprévisible, non rationnel parfois, avec un sens pratique hors du commun. C'est vrai, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, voire très compliqué. Résultat, d'un transfert que des centaines de milliers de touristes font par an pour aller aux torres, M. a voulu inaugurer une nouvelle voie et se retrouve dans la galère des transports argentins et de sa route 40, dans l'incapacité de me rejoindre avant plusieurs jours.
Tant pis, je profite de ma nouvelle popularité à la guesthouse (celui qui revient de 5 jours d'enfer et qui y retourne) pour aider la gente féminine cosmopolite à préparer le trek du W.
Elles appréhendent la météo et je leur cite le panneau philosophique dans le parc "Ne nous demandez pas le temps qu'il va faire, on ne sait pas".
Après un jour de repos et un réapprovisionnement substantiel en victuailles réconfortantes (des pâtes), je retourne au parc sous un franc soleil et une légère brise, genre 160km/h en pointe. Parfois il est impossible d'avancer, faut se planter dans le sol pour résister. J'ai même vu des gens être renversés avec la prise au vent du sac. Bref, encore du bonheur. Je progresse, mon crane d'oeuf pourfendant la bise. Je touche presque au but, voir les tours de granit, les trois soeurs torres.
Quoi? L'accès est fermé! Pour cause de fort vent sur la crête!
Faut se replier au camping en contre-bas.
6h30 du matin, je me faufile entre les lignes ennemies des parc-rangers.
Il y a moins de vent mais le haut du chemin est tout verglacé de si bon matin. Mais j'y suis, les 3 tours sont là, majestueuses dans le soleil levant. 3 gros cailloux quasi éternels, géants de pierre qui contemplent les millions de petits humains venus immortaliser leurs instants.
J'attaque ensuite la branche centrale du W, où je vais croiser Poh, ma malaysienne. C'est une branche européenne, on va du camp italiano au camp britanico pour parcourir la vallée des français. La vallée se termine en cul-de-sac par un spectaculaire cirque rocheux. C'est là que je vais croiser une autre de mes groupies, que j'appelle Colorado car elle vient de Leadville (CO).
Comme j'ai déjà fait la branche du glacier, je me dirige à nouveau vers le camping désert du premier soir. Je suis content, il n'a pas plu, je vais pouvoir remballer ma tente toute sèche.
Pluie et vent toute la nuit vont noyer cet espoir. A mon retour à Puerto Natales, je noyerai à mon tour mon désespoir dans quelques pintes. Non mais!
Voila, 10 jours de trek patagoniens mémorables. J'étais devenu une machine à marcher, 25-30 kilomètres quotidiens avec un lourd sac à dos sans rien ressentir, aucune douleur ni gène. Je vais la mettre sur off.
Demain je me lève à 6h00 du mat pour aller encore plus au sud et je vais faire un max de bruit, histoire de réveiller les deux autres gars bruyants et mal-élevés du dortoir qui sont rentrés à 2h00 du mat à moitié bourrés.
Tiens, faudra aussi que je mette sur off mon coté rancunier. Plus tard...

A+ pour de nouvelles aventures

S.

Voir les photos : Chili - San Pedro ]

Posté par ceeeeb
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