Le 24/11/12, 17:09
28.2611197259.21527828125
Buenos dias à toutes et à tous,
Dans ma folle descente vers le bout du monde, je vais faire un changement de bus assez déconcertant, mon bus qui va à Punto Arenas va croiser celui qui en vient et qui va lui en Argentine. Les deux bus s'arrêtent au milieu de la route, s'échangent les passagers et repartent. Puis c'est une longue route à travers les étendues désertiques de la patagonie, vastes plaines plates où seuls de petits buissons poussent, de quoi sustenter les troupeaux de moutons des nombreux ranchs chiliens. C'est d'ailleurs ce qui me dérange le plus ici, l'omniprésence de barbelés, même jusque dans les parcs nationaux privatisés en partie.
Le bus s'arrête, tout le monde descend pour prendre un ferry. On franchit le détroit de Magellan pour entrer sur l'île de la terre de feu. Autant de lieux évocateurs, on ne peut s'empêcher de penser à tous ces explorateurs venus s'échiner ici pour cartographier la région. Je passe la frontière, l'île est partagée en deux entre Chili et Argentine.
Tin tin tin, tin tin vous vous rappelez du générique ?
Séquence boutdumondation avec l'entrée dand Ushuaïa, terminus de la descente. Là-bas, pas très loin, au delà du canal de Beagle, c'est le mythique Cap Horn. Il n'y a plus ...QUOI? On nous aurait menti à l'insu de notre plein gré? Il y a une ville plus au sud, Puerto Williams, coté chilien. Ouais, mais Puerto Williams, comme le dit Nicolas H. c'est moins accrocheur comme titre d'émission. Et comme la courte traversée en canot pneumatique coûte la bagatelle de 200$, et bien on y va pas et on oublie.
Séquence enferetdamnation avec le message "Initialisation en cours, formattage de la carte SD" au démarrage de ma tablette. C'est cool, je me retrouve au bout du monde avec un bidule vierge de toutes données, sans application, utile comme un dessous de plat. Je vais me lever tôt demain, aidé en cela par ma malédiction "gros ronfleur dans le dortoir", et je vais faire des emplettes sur l'android market pour réparer tout cela.
Et devinez qui je retrouve ici? Casimir? Non, ma petite M.
Forcement, Ushuaia, c'est un cul de sac.
Elle m'apprend le rythme argentin, lever au mieux à 9h30, pause déjeuner (les magasins ferment de 12h à 15h voire 17h) puis diner mais pas avant 22 ou 23 heures. Elle m'apprend aussi les mauvaises nouvelles, que l'Argentine va nous coûter une petite fortune, faute à une inflation galopante qui atteint parfois 100% en une année sur certains produits. Sans parler des transports en bus qu'on croirait que t'achètes un billet TGV 1ere classe à chaque fois. Coté logement, c'est direction le dortoir d'office, avec option boules quies pour moi. Un conseil, n'investissez pas en Argentine, elle court droit vers la banqueroute. C'est même malheureux car elle fait fuir les backpackers désargentés.
On va quand même investir dans une sortie culturelle pour visiter le musée du bout du monde, histoire d'en apprendre plus sur les indiens indigènes qui ont été lentement désintégrés dans la société moderne ou encore sur le bagne qui a fait vivre la ville avant l'arrivée des touristes.
Le lendemain c'est jour de rando pour redonner du rythme à M. qui s'en va faire le trek du W toute seule.
En ce qui me concerne, je remonte sur El Calafate, en avion, vu que pour le même prix tu évites les 30 heures de bus et les multiples pénibles passages en douane.
Comme le monde il est petit! A El Calafate, je croise en ville Anissa et Pauline, deux jeunes grimpeuses des alpes avec qui j'ai co-randonné dans les torres.
Malheureusement, aucune des deux ne peut se payer le trekking sur glacier, une société ayant acquis, honnêtement c'est sûr, le monopole sur cette activité sur le périto moréno.
Je m'en vais seul, je commence à en avoir l'habitude, voir ce glaçon vivant.
Après deux heures de marche crampons aux pieds et après le verre de l'amistad, on aura le loisir d'aller observer le gigantesque mur de glace duquel sortent des craquements sourds.
Et soudain, dans un grand fracas, une petite tour de glace bleutée s'effondre dans le lac d'argentine. Du grand spectacle.
Comme je suis dans le coin, je pousse jusqu'au parc des glaciers pour 3 autres jours de trekking. A l'entrée (je mentionne la gratuité sinon on va dire que je suis mauvaise langue), un ranger annonce "fenêtre de beau temps de 5 jours".
Au 1er campement où je me réfugie grelotant, en pleine tempête de neige, j'ai tout le loisir de repenser à la pertinence de ses propos.
Le lendemain, après une nuit un peu fraiche, je le vois enfin, le fameux pic tant redouté des grimpeurs, j'ai nommé le Fitz Roy ( je mentionne aussi qu'il y a du soleil).
Après 3 jours, je regagne El Calafate pour un repos bien mérité mais le sommeil tarde à venir malgré la fatigue. Une question me tarabuste, toujours mon coté scientifique. Qui fait le plus de décibels? 10 verrats ou le goret qui dort dans le lit voisin?
Il y a mille et une façons de visiter et d'apprécier un pays. Mes jours (de vacances je précise) sont maintenant comptés. J'aligne les chiffres, les heures de bus, les pesos, et le résultat ne me plait guère. Je ne veux pas courir l'Argentine, j'ai envie d'autres choses. C'est sans doute tous ces ranchs entrevus qui font que je me porte volontaire pour aider un gaucho perdu dans le nord de la patagonie. Au programme, nuits sous tente à coté d'une baraque en terre, sans eau, sans électricité. Pas une estancia à touristes, non, une semaine authentique dans la plus grande simplicité. J’atterris à El Cholar après avoir enchainé 40 heures de bus. J'y rencontre Jorge, 46 ans, mon gaucho qui vient me chercher dans un antique pickup ford des années 50. La 2eme vitesse coince, refuse de passer. Il ne comprend pas pourquoi vu qu'hier cela marchait bien. M'enfin...
20 minutes plus tard, on arrive sur son campo, 5000 hectares de broussailles caillouteuses parcourues par une rivière. Je vais y vivre avec ses 14 chevaux criollos, ses 40 vaches à viande, ses chèvres, ses poules, son chat et ses 4 chiens dont le petit dernier, un dogue d'un mois et demi dit le pirate, me machouillera les mains avec ses petites dents toutes neuves.
Pour l'accompagner dans les chevauchées, il m'attribue Ornero, un jeune mâle noir qui ne connait pas le trot. Il marche ou il galope. Avec son fils Nicolas venu pour le week-end on fait le tour du propriétaire et on s'arrête pour entreprendre des fouilles sur les anciens sites des indiens mapuche.
On ira ensuite ferrer un cheval chez son ami Ricardo, un autre gaucho.
Ils s'appellent tio (oncle) entre eux, pour signifier qu'ils appartiennent à la même famille, comme une fratrie. On reviendra pour marquer 100 chevrettes. Le marquage consiste à entailler les oreilles en faisant 5 encoches. Ça saigne, ça crie. Après avoir prouvé mon inefficacité au lasso, je passe au poste plaquage de la bête pour la taille. Je tiens la tête, j'ai le sang d'une centaine de chèvres aux yeux bleus sur les mains. En plus, la centième aura souffert inutilement puisque Ricardo va l'égorger, la dépecer et mettre la moitié dans son four à gaz rudimentaire.
On rentrera à minuit, après une soirée arrosée. Faire du cheval dans ces conditions est, je l' avoue, assez stressant. J'y vois rien, mon cheval est nerveux et pressé de rentrer mais je tallonne Jorge qui connait le chemin.
Ou plutôt son cheval connait le chemin car Jorge a un peu abusé du vino.
Chez un autre gaucho, j'irais donner un biberon de 3 litres de lait à un veau. Il engloutit le tout en 1 minute, le goinfre, et me suit partout ensuite, me prenant pour sa mère.
Je nage en plein far-west, on passe la matinée à rassembler les troupeaux de vaches, on fait la sieste traditionnelle sous le soleil de midi en faisant cuire des côtelettes (plus que 98 chevrettes). Au soir, Jorge sort sa guitare pour nous jouer des airs de cuenca, musique folklorique loin du tango des citadins.
Je quitte à regrets ce petit coin de paradis, je retourne en terre civilisée, faire une action inconnue de ces cow-boys : consulter mes mails.
A+ pour la fin des aventures
S.
PS: séquence rentralamaison : mon appareil photo est HS.
Dans ma folle descente vers le bout du monde, je vais faire un changement de bus assez déconcertant, mon bus qui va à Punto Arenas va croiser celui qui en vient et qui va lui en Argentine. Les deux bus s'arrêtent au milieu de la route, s'échangent les passagers et repartent. Puis c'est une longue route à travers les étendues désertiques de la patagonie, vastes plaines plates où seuls de petits buissons poussent, de quoi sustenter les troupeaux de moutons des nombreux ranchs chiliens. C'est d'ailleurs ce qui me dérange le plus ici, l'omniprésence de barbelés, même jusque dans les parcs nationaux privatisés en partie.
Le bus s'arrête, tout le monde descend pour prendre un ferry. On franchit le détroit de Magellan pour entrer sur l'île de la terre de feu. Autant de lieux évocateurs, on ne peut s'empêcher de penser à tous ces explorateurs venus s'échiner ici pour cartographier la région. Je passe la frontière, l'île est partagée en deux entre Chili et Argentine.
Tin tin tin, tin tin vous vous rappelez du générique ?
Séquence boutdumondation avec l'entrée dand Ushuaïa, terminus de la descente. Là-bas, pas très loin, au delà du canal de Beagle, c'est le mythique Cap Horn. Il n'y a plus ...QUOI? On nous aurait menti à l'insu de notre plein gré? Il y a une ville plus au sud, Puerto Williams, coté chilien. Ouais, mais Puerto Williams, comme le dit Nicolas H. c'est moins accrocheur comme titre d'émission. Et comme la courte traversée en canot pneumatique coûte la bagatelle de 200$, et bien on y va pas et on oublie.
Séquence enferetdamnation avec le message "Initialisation en cours, formattage de la carte SD" au démarrage de ma tablette. C'est cool, je me retrouve au bout du monde avec un bidule vierge de toutes données, sans application, utile comme un dessous de plat. Je vais me lever tôt demain, aidé en cela par ma malédiction "gros ronfleur dans le dortoir", et je vais faire des emplettes sur l'android market pour réparer tout cela.
Et devinez qui je retrouve ici? Casimir? Non, ma petite M.
Forcement, Ushuaia, c'est un cul de sac.
Elle m'apprend le rythme argentin, lever au mieux à 9h30, pause déjeuner (les magasins ferment de 12h à 15h voire 17h) puis diner mais pas avant 22 ou 23 heures. Elle m'apprend aussi les mauvaises nouvelles, que l'Argentine va nous coûter une petite fortune, faute à une inflation galopante qui atteint parfois 100% en une année sur certains produits. Sans parler des transports en bus qu'on croirait que t'achètes un billet TGV 1ere classe à chaque fois. Coté logement, c'est direction le dortoir d'office, avec option boules quies pour moi. Un conseil, n'investissez pas en Argentine, elle court droit vers la banqueroute. C'est même malheureux car elle fait fuir les backpackers désargentés.
On va quand même investir dans une sortie culturelle pour visiter le musée du bout du monde, histoire d'en apprendre plus sur les indiens indigènes qui ont été lentement désintégrés dans la société moderne ou encore sur le bagne qui a fait vivre la ville avant l'arrivée des touristes.
Le lendemain c'est jour de rando pour redonner du rythme à M. qui s'en va faire le trek du W toute seule.
En ce qui me concerne, je remonte sur El Calafate, en avion, vu que pour le même prix tu évites les 30 heures de bus et les multiples pénibles passages en douane.
Comme le monde il est petit! A El Calafate, je croise en ville Anissa et Pauline, deux jeunes grimpeuses des alpes avec qui j'ai co-randonné dans les torres.
Malheureusement, aucune des deux ne peut se payer le trekking sur glacier, une société ayant acquis, honnêtement c'est sûr, le monopole sur cette activité sur le périto moréno.
Je m'en vais seul, je commence à en avoir l'habitude, voir ce glaçon vivant.
Après deux heures de marche crampons aux pieds et après le verre de l'amistad, on aura le loisir d'aller observer le gigantesque mur de glace duquel sortent des craquements sourds.
Et soudain, dans un grand fracas, une petite tour de glace bleutée s'effondre dans le lac d'argentine. Du grand spectacle.
Comme je suis dans le coin, je pousse jusqu'au parc des glaciers pour 3 autres jours de trekking. A l'entrée (je mentionne la gratuité sinon on va dire que je suis mauvaise langue), un ranger annonce "fenêtre de beau temps de 5 jours".
Au 1er campement où je me réfugie grelotant, en pleine tempête de neige, j'ai tout le loisir de repenser à la pertinence de ses propos.
Le lendemain, après une nuit un peu fraiche, je le vois enfin, le fameux pic tant redouté des grimpeurs, j'ai nommé le Fitz Roy ( je mentionne aussi qu'il y a du soleil).
Après 3 jours, je regagne El Calafate pour un repos bien mérité mais le sommeil tarde à venir malgré la fatigue. Une question me tarabuste, toujours mon coté scientifique. Qui fait le plus de décibels? 10 verrats ou le goret qui dort dans le lit voisin?
Il y a mille et une façons de visiter et d'apprécier un pays. Mes jours (de vacances je précise) sont maintenant comptés. J'aligne les chiffres, les heures de bus, les pesos, et le résultat ne me plait guère. Je ne veux pas courir l'Argentine, j'ai envie d'autres choses. C'est sans doute tous ces ranchs entrevus qui font que je me porte volontaire pour aider un gaucho perdu dans le nord de la patagonie. Au programme, nuits sous tente à coté d'une baraque en terre, sans eau, sans électricité. Pas une estancia à touristes, non, une semaine authentique dans la plus grande simplicité. J’atterris à El Cholar après avoir enchainé 40 heures de bus. J'y rencontre Jorge, 46 ans, mon gaucho qui vient me chercher dans un antique pickup ford des années 50. La 2eme vitesse coince, refuse de passer. Il ne comprend pas pourquoi vu qu'hier cela marchait bien. M'enfin...
20 minutes plus tard, on arrive sur son campo, 5000 hectares de broussailles caillouteuses parcourues par une rivière. Je vais y vivre avec ses 14 chevaux criollos, ses 40 vaches à viande, ses chèvres, ses poules, son chat et ses 4 chiens dont le petit dernier, un dogue d'un mois et demi dit le pirate, me machouillera les mains avec ses petites dents toutes neuves.
Pour l'accompagner dans les chevauchées, il m'attribue Ornero, un jeune mâle noir qui ne connait pas le trot. Il marche ou il galope. Avec son fils Nicolas venu pour le week-end on fait le tour du propriétaire et on s'arrête pour entreprendre des fouilles sur les anciens sites des indiens mapuche.
On ira ensuite ferrer un cheval chez son ami Ricardo, un autre gaucho.
Ils s'appellent tio (oncle) entre eux, pour signifier qu'ils appartiennent à la même famille, comme une fratrie. On reviendra pour marquer 100 chevrettes. Le marquage consiste à entailler les oreilles en faisant 5 encoches. Ça saigne, ça crie. Après avoir prouvé mon inefficacité au lasso, je passe au poste plaquage de la bête pour la taille. Je tiens la tête, j'ai le sang d'une centaine de chèvres aux yeux bleus sur les mains. En plus, la centième aura souffert inutilement puisque Ricardo va l'égorger, la dépecer et mettre la moitié dans son four à gaz rudimentaire.
On rentrera à minuit, après une soirée arrosée. Faire du cheval dans ces conditions est, je l' avoue, assez stressant. J'y vois rien, mon cheval est nerveux et pressé de rentrer mais je tallonne Jorge qui connait le chemin.
Ou plutôt son cheval connait le chemin car Jorge a un peu abusé du vino.
Chez un autre gaucho, j'irais donner un biberon de 3 litres de lait à un veau. Il engloutit le tout en 1 minute, le goinfre, et me suit partout ensuite, me prenant pour sa mère.
Je nage en plein far-west, on passe la matinée à rassembler les troupeaux de vaches, on fait la sieste traditionnelle sous le soleil de midi en faisant cuire des côtelettes (plus que 98 chevrettes). Au soir, Jorge sort sa guitare pour nous jouer des airs de cuenca, musique folklorique loin du tango des citadins.
Je quitte à regrets ce petit coin de paradis, je retourne en terre civilisée, faire une action inconnue de ces cow-boys : consulter mes mails.
A+ pour la fin des aventures
S.
PS: séquence rentralamaison : mon appareil photo est HS.