blog de ti-Fred

Don Khon, l’île où la notion de temps n’existe pas ...

Le 18/01/13, 2:24

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Du Mardi 7 janvier au vendredi 18 janvier

Don Khon pourrait être comparée à une plante carnivore si l’on fait abstraction de la fin tragique que connaît l’insecte qui s’y retrouve piégé, ou, plus simplement, à un vieux canapé moelleux duquel on n’arrive plus à s’extraire. Les verdoyantes rives du Mékong, l’ambiance insulaire détendue, les splendides couchers de soleils sur les collines cambodgiennes et les grosses chaleurs de la journée tempérées par un doux vent du sud font qu’une grande majorité des voyageurs mettant un pied ici prolongent de plusieurs jours leur séjour. En quelques heures, on s’y sent comme chez soi, toute notion de temps disparait et, tel Astérix Obélix sur l’île du Plaisir, il nous faut faire un effort surhumain pour en repartir. Pour ma part, j’avais prévu d’y séjourner trois ou quatre jours mais j’y suis finalement resté douze jours.

Située à l’extrême sud du Laos, le district de Si Phan Don, signifiant « quatre milles îles » en lao, porte bien son nom. S’étalant sur une cinquantaine de kilomètre entre les rives du Mékong, l’archipel est constitué de plusieurs milliers d’îles et d’îlots dont la plupart sont tellement petits qu’ils disparaissent sous les flots pendant la saison des pluies. Don Khon, d’une surface avoisinant trois kilomètres carrés, est bordée d’une végétation tropicale composée essentiellement de différentes espèces de palmiers, de bananiers et de tamariniers centenaires. L’intérieur des terres est couvert de petites rizières, de forêts, de potagers et de plantations de cannes à sucres. De petits villages sont éparpillés sur l’île. La plupart des maisons sont en bois ou en nattes de bambous, leurs toits en tôle ondulée ou feuilles de palmiers et elles sont toutes construites sur des pilotis de deux à trois mètres de hauteur. Pendant la saison sèche, une grande partie de la vie familiale se déroule à l’ombre des maisons. Les femmes y font la cuisine ou des travaux manuels tels que la confection de filets en nylon ou des nasses en bambou, les enfants y jouent et, au retour de la pêche, les hommes y font la sieste, confortablement installés dans des hamacs. Ici, les activités économiques principales sont la pêche, la culture du riz, des noix de coco et de la canne à sucre. De nombreuses familles ont un petit potager sur la berge du fleuve qui leur permet d’assurer leur subsistance en légumes frais, et parfois, d’avoir un peu d’argent en les vendant au marché. D’autres familles vivent entièrement du tourisme grâce à la vingtaine de guest house et de restaurants installés sur la rive faisant face à l’île de Don Det.

La guest house dans laquelle je séjourne comporte une quinzaine de chambres. Sept d’entres-elles sont en bord du Mékong et les autres sont situées de l’autre côté de la petite rue principale du village de Ban Khon. Une grande terrasse sur piloti s’élance sur le fleuve. C’est l’endroit critique de la guest house : une fois qu’on s’est installé sur un des matelas, il est très difficile de se lever. Du coup, nombre de voyageurs recherchent le calme en venant à Don Khon et ils finissent par passer une grande partie de leurs journées à lézarder sur la terrasse.

Comment pourrais-je vous parler d’ici sans vous parler des personnes qui y vivent ou qui y ont séjourné ? La pension est tenue par Papa Louaille, âgé de 58 ans, et son épouse que tout le monde appelle « Mama ». Ils ne parlent que quelques mots d’anglais, mais on arrive toujours à comprendre à peu près. Papa Louaille a cinq petites filles âgées de 13, 12, 10, 5 et 3 ans. Les trois plus grandes sont de sa première femme, décédée quelques années plus tôt. Sa deuxième épouse est de vingt cinq ans plus jeune que lui ! Papa est certainement le personnage le plus attachant que j’ai rencontré à ce jour pendant mon voyage. Il a le cœur sur la main, rigole tout le temps, il fait tout pour que ses hôtes se sentent à l’aise et il est d’une extrême gentillesse. Malheureusement, il s’assomme à longueur de journée au Lao Lao, un alcool local qui pourrait aisément servir de carburant pour scooter et qu’il transvase quotidiennement d’un jerricane de cinquante litres dans une petite bouteille de boisson énergétique. On sent bien que le décès de sa première femme l’attriste énormément. Aidée par les trois aînées lorsqu’elles ne sont pas à l’école, Mama s’occupe essentiellement du restaurant. Elles concoctent de délicieux plats laotiens ou thaïs, ainsi que de fabuleux jus de fruits et milk shakes. Viennent ensuite Kao, Tanoï et deux autres filles dont je n’ai pas retenu les prénoms qui aident la famille à faire tourner la guest house. Papa et Mama m’ont très rapidement adopté, au point où Papa Louaille m’a demandé à plusieurs reprises d’épouser sa nièce Tanoï !

Ce qui fait également le charme de l’endroit, ce sont les superbes rencontres que j’ai pu y faire. Afin d’éviter de vous perdre en cours de route (si n’est déjà fait !), je vais m’attacher à ne citer que les plus marquantes. Lors de mon arrivée, j’ai été accueilli par Sophia, une charmante (et un peu perchée) londonienne dont il m’a fallu trois jours pour arriver à la comprendre tant son accent est horrible. Partie début décembre d’Angleterre pour un voyage d’un an et arrivée quelques jours après chez Papa Louaille, elle n’a pu en repartir. Elle prévoyait d’y rester jusqu’à la fin du mois mais elle a finalement quitté l’île hier en compagnie d’un copain de classe rencontré la veille. Ensuite, je ne peux pas vous parler de la guest house sans vous parler de Tom. Tom fait parti des murs... à mi-temps ! En effet, il vient à Don Khon quatre à six mois depuis six ans. Le reste de l’année, il habite du côté de Carcassonne.

Quelques jours après mon arrivée, Papa Louaille a reçu la visite d’une de ses nièces, accompagnée de son époux et de leur fils. Elle avait quitté le Laos à cinq ans pour la France (plus précisément... Bordeaux !) et n’était pas retourné dans son pays de naissance depuis. Ce fut une extraordinaire rencontre car ils sont tous les trois adorables. Leur fils Bastien, âgé de dix ans, n’était pas sans me rappeler ma nièce qui me manque tant. J’aurais bien aimé qu’ils restent quelques jours de plus à Don Khon afin de profiter plus longtemps de leur compagnie mais je me console en me disant que nous aurons bien des occasions pour partager d’autres moments ensemble à Bordeaux !

Vous devez vous demander ce que j’ai pu faire pendant douze jours sur une île minuscule ! Et bien, c’est assez simple : pas grand-chose !!! J’ai passé la majeure partie de mon séjour à lire, écrire, trier mes photos et discuter. Après plus de trois mois de voyage, ça fait un bien fou de poser son sac quelques jours, et j’ai immensément savouré ces moments de détente, surtout après la trop touristique Thaïlande.

Cela dit, je n’ai pas fait que ça. Quelques ballades à pied ou à vélo sur les deux îles ont contribuée à agrémenter mon séjour sur Don Khon. Traverser de paisibles villages, longer le Mékong, plonger dans d’odorantes forêts tropicales ont contribué à m’apporter une sérénité que le franchissement de petites cascades sur des ponts en bois douteux n’a pas réussi à ébranler. De plus, je suis allé pique-niquer au pied des immenses cascades de Khon Phapheng, la première fois, peu de temps après mon arrivée et la deuxième l’avant-veille de mon départ. A cet endroit, des millions de mètres cubes d’eau du Mékong se jettent une quinzaine de mètres plus bas dans un fracas assourdissant. Pour s’y rendre, Il faut les talents de navigateur de Papa Louaille et ce n’est pas pour rien que c’est la seule personne à y conduire des touristes. En effet, le Mékong est loin d’être un long fleuve tranquille ! Ses bras peuvent être larges d’une dizaine à plusieurs centaines de mètres, leurs profondeurs sont très aléatoires et les dénivelés changent fréquemment, ce qui fait que la force des courants varie proportionnellement à ces trois variables. Bref, en quelques instants on passe d’une eau calme comme un lac à de vrais rapides dont d’énormes blocs de pierre affleurent la surface. Seul un navigateur expérimenté comme « Papa » peut s’y risquer, car à tout moment, le bateau peut s’échouer sur un rocher, percuter un îlot ou un buisson poussant sur les hauts fonds.

Sur le fleuve, nous croisons de nombreux pécheurs. Depuis leur petite embarcation propulsée par un moteur ou à l’aide de pagaies, ils jettent au devant du bateau un filet circulaire plombé tout le tour par quelques maillons de chaîne et le ramène quelques instants après en tirant sur un bout. Souvent, une canne à pêche a été installée sur un buisson poussant dans l’eau. Chaque petite cascade est barrée d’une installation en bambou de la forme d’un tremplin de saut à ski servant à capturer tous les poissons passant par là. Il est fréquent de voir quelques laotiens les réparer ou en construire de nouvelles, souvent au péril de leur vie. Malheureusement, quelque soit les moyens employés, les prises sont très rares pendant la saison sèche comparées aux tonnes pêchées chaque jour pendant la mousson.

Autre délice visuel du trajet en bateau, les rives bordant le Mékong nous transportent au cœur de la vie quotidienne du sud Laos. Une majeure partie des berges est couverte d’une dense végétation d’où apparaissent, de temps à autres, des buffles d’eau qui vont se baigner dans le fleuve. Tels des vols d’oies sauvages, de nombreux hérons au plumage d’un blanc immaculé traversent le ciel alors que d’autres, perchés sur un buisson, attendent leurs proies. De petits jardins où poussent toutes sortent de légumes descendent jusqu’au bord du fleuve dont ils sont protégés des vagues par de gros bambous placés à environ deux mètres de la rive. Parfois, on croise quelques maisons dont les habitants sont en train de prendre leur bain directement dans le Mékong. On les voit descendre la berge uniquement vêtus d’un sarong avec à la main un petit panier contenant le nécessaire de toilette.

La demi-heure du trajet aller et les trois-quarts d’heure retour sont une expérience inoubliable.

Je suis retourné là bas deux autres fois, mais en famille ! Sur une île située au milieu de la cascade, un arbre sacré âgé de plusieurs centaines d’années menaçait de tomber dans la rivière. D’après la légende, cet arbre assurerait richesse, invincibilité et prospérité à celui qui arriverait à le sortir de l’île. Depuis près de quatre cent ans, de nombreuses personnes ont essayé de le récupérer sans succès et certains y ont trouvé la mort. Cette fois-ci, c’était l’armée laotienne qui organisait une opération. L’enlèvement étant prévu le samedi à 14h, nous sommes partis vers midi et demi. Un peu avant d’arriver, nous avons été surpris de voir une foule immense sur la rive opposée. Les laotiens sont très attachés à cet arbre et ils se sont massivement déplacés pour assister à l’opération militaire. Arrivés sur une petite île au sommet de la cascade, une centaine de personne étaient installés en famille face aux flots, en train d’observer au loin quatre militaires. Ces derniers étaient en train de s’échiner à remonter l’arbre sacré à l’aide de treuils. Les pronostics allaient bon train et un grand nombre de personnes présentes prévoyaient un échec de l’armée et ils avaient en partie raison. L’opération a été reportée au lendemain et la foule s’est dispersée après l’hélitreuillage des militaires par un vieux coucou russe à double rotors. Nous y sommes retournés le lendemain, mais un peu trop tard cette fois-ci. En effet, l’arbre avait été tronçonné dans la matinée en plusieurs parties et lors de notre arrivée, l’hélicoptère emportait l’avant dernière partie sous les yeux ébahis des spectateurs. Dès le lendemain, des nombreuses photos couleurs plastifiés étaient en vente sur le marché de Nakasang et on peut dire qu’elles s’arrachaient comme des petits pains !

La ville de Nakasang n’est pas d’un grand intérêt pour les touristes qui n’y font qu’y transiter, mais elle est d’une importance vitale pour les insulaires. On y trouve un marché couvert et de nombreuses boutiques où l’on trouve toute les marchandises qui ne peuvent pas être produites sur l’île. J’y ai accompagné « Papa » à plusieurs reprises pour tenter de retirer de l’argent à l’unique distributeur de la ville (tout le temps HS) et pour l’aider à porter les courses. Nous y partions souvent avec de touristes quittant Don Khon pour revenir avec la pirogue chargée de caisses de bières, de légumes, de nouilles de riz et de diverses autres denrées nécessaires pour le restaurant.

Un matin que nous partions à Nakasang sans y ramener de voyageurs, « Papa » nous a arrêtés en cours de route sur une petite île. Il m’a demandé de l’accompagner jusqu’à l’unique maison de l’île et arrivés là bas, nous avons choisis... un cochon ! En effet, Mali et sa famille partaient le lendemain pour Vientiane et son oncle prévoyait d’organiser une fête pour leur départ. En fin de matinée, le cochon avait fait sa première ballade en bateau, se dirigeant sans le savoir vers le barbecue. Lorsque nous sommes rentrés d’une ballade à scooter pour voir d’autres cascades et des dauphins d’eau douce, il avait déjà été tué et grossièrement dépecé par le boucher du village. Les femmes étaient en train de couper de petits morceaux qui seraient ensuite cuisinés en soupe. J’ai proposé de filer un coup de main pour le barbecue et j’ai atterri autour d’un trou dans lequel brulait un grand feu. Une fois les braises faîtes, nous avons posé dessus une sorte de grillage avant d’y mettre à cuire des gros morceaux de viande et une tête entière. Une partie de la famille habitant sur l’île avait été invitée. Quelques hommes, sentant l’odeur de la viande grillée ont ramené une planche, un couteau et un bol de sauce nuoc mam agrémentés de piments et d’ail avant d’attraper une oreille et de la découper en fines tranches. C’était tout simplement délicieux.

Une fois la viande cuite, « Papa » a organisé une cérémonie du Bassi en l’honneur du départ de Mali, Vincent et Bastien. Nous étions tous assis en cercle autour d’un vase d’offrande et après une courte prière, et pendant un bon moment, nous échangés de vœux à voix haute tout en offrant un petit bracelet fil matérialisant le vœu. Nous nous sommes enfin réunis au milieu de la cour autour d’assiettes de grillades, de paniers de sticky rice et de soupe de curry au porc et aux légumes pour savourer un délicieux diner bercés par les chansons interprétées par Papa Louaille.

Quelques jours avant de partir, alors que je n’avais toujours pas décidé que j’allais partir, j’ai rencontré tout un groupe de voyageurs composé d’un couple de parisiens, Aurélie et David, de deux ami-e-s suisses, Sonja et Dominique, et d’une danoise, Karen. On a passé d’excellents moments ensemble, notamment mon dernier aller-retour aux cascades. Karen nous a quittés pour le Cambodge le lendemain de cette ballade et les autres avaient prévus de faire un road trip en scooter sur dans le plateau des Bolavènes. C’était une excellente motivation pour arriver à m’arracher à Don Khon et j’ai donc décidé de les suivre. Le soir même, nous avons décidé deux autres français à nous accompagner, Salomé et Rémi.

Nous sommes partis ce matin, vendredi 18, pour Pakse. J’étais bien triste de quitter Papa Louaille et sa famille. « Mama » m’a offert une noix de coco dans la matinée et un sandwich pour la route. « Papa » a rempli ma flasque de Lao Lao en me disant « after Vietnam and Cambodia, you come back ! » et en profitant pour remettre une couche, tout en rigolant, sur mon mariage avec sa nièce. Nous avons quitté l’île à bord du bateau de « Papa » totalement surchargé en personnes et en bagages et c’est après avoir échangé une bonne rasade de Lao Lao et quelques embrassades que nous nous sommes séparés.

Ce séjour à Don Khon restera gravé dans ma mémoire. Plutôt de finir mon périple par un court séjour sur une île thaïlandaise comme je le prévoyais, je vais faire en sorte de revenir passer au moins quatre ou cinq jour à Don Khon. Comment pourrais-je mieux conclure mon aventure ?

PS: Promis, la prochaine fois, j'essaye de faire plus court!
PPS: Il m'aura fallu plus d'un mois pour rattraper mon retard, mais maintenant c'est fait Se marre
PPPS: Toutes mes excuses pour les fautes, j'écris souvent dans des conditions extrêmes (par exemple, il est actuellement 2h du matin et j'ai du écrire pendant un peu plus de 4h aujourd'hui!)

[ Voir les photos : Laos - Don Khon ]

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