Petit bonhomme de chemin

Jour 181

Le 31/12/11, 16:04

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Moi qui m’étais autorisée une petite demi-heure de sommeil de rab, je me fais finalement sortir du lit à 5h00 du matin par un nouveau coup de fil « intempestif ». Le couple de la chambre 208 vient d’arriver à Cusco. Nouveau réveil en trombe... Le temps de sauter dans un jeans, je pars à leurs devants pour les accueillir comme il se doit au portail d’entrée.

Une heure plus tard, ce sont quatre petits Frenchies qui débarquent également de bonne heure. La troupe est enfin au complet. Mes 16 visiteurs du week-end sont tous arrivés. Je me dis « voilà une bonne chose de réglée », pensant pouvoir lever un peu le pied à présent.

C’est à ce moment que Juan José, mon dernier arrivant de la veille, m’invite à prendre le petit déjeuner avec lui sous prétexte qu’il n’a pas envie de manger seul. « En plus de nettoyer les chambres, voilà que je dois faire dans le social », me dis-je. Je préférerais vaquer à d’autres occupations. En effet, à notre première rencontre la veille, il ne m’avait pas fait très bonne impression. Il était arrivé avec beaucoup de retard et j’avais dû négocier assez fermement pour qu’il accepte la « chambre-placard à balai ». Mais la relation clientèle se soigne, je me vois donc mal refuser la proposition. Au final, je me rends compte que j’avais Juan José un peu durement. Il est de compagnie plutôt agréable.

Le temps d’un repas, j’oublie quelque peu ma fatigue et mon amertume en me rendant compte que, ce matin, j’étais seule à mener la barque de l’Hospedaje Sol Ayni. De fait, à 5 heures du matin, le portier de nuit n’était pas à son poste pour ouvrir la porte aux premiers clients. Je n’étais pas censée travailler aujourd’hui et le Señor Javier aurait dû me relayer à 8h30. Sauf qu’il est presque midi et que je n’ai toujours pas aperçu mon cher collègue. Erland profite de son jour libre mais lui, je ne lui reproche rien car il bosse comme un dingue les autres jours.

Finalement, le Señor Javier arrive en début d’après-midi. Je peux enfin prendre une pause bien méritée et m’adonner aux préparatifs de la soirée. De fait, un nouvel an à Cusco ne s’improvise pas comme cela. La tradition est particulièrement codifiée et il faut se plier à un grand nombre de règles pour commencer l’an nouveau sous de bons auspices.

Tout d’abord, il y a la tenue. Pour se donner de la chance, il faut porter ce jour-là des sous-vêtements de couleur jaune. A moins que vous ne souhaitiez trouver l’amour... Il faudra alors opter pour le rouge. Et si vous privilégiez l’aspect financier, il vous faudra choisir le vert. Personnellement, je compte mettre toutes les chances de mon côté et décide de porter non pas une mais deux petites culottes ce soir, une jaune et une rouge. Pour trouver mon bonheur, je me rends sur le marché en compagnie de Frankie car, détail important, les sous-vêtements doivent vous avoir été offerts. Vous ne pouvez pas vous les acheter vous-même. Nous allons donc nous offrir réciproquement nos « petites tenues » de la soirée. Sur place, nous rencontrons une connaissance de Frankie. Un type qui ne parle qu’anglais. Lui aussi cherche de quoi se vêtir pour l’évènement. Frankie lui propose de se joindre à nous. Au début, je vois d’un assez mauvais œil le fait d’acheter des dessous en compagnie d’un mec que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Mais finalement c’est plutôt drôle. Nous lui trouvons un magnifique caleçon jaune avec un Machu Picchu rouge.


Mais ceci n’est qu’une partie de l’équipement de base. Pour s’attirer la chance à nouveau, il faut également porter de façon voyante un peu de jaune dans sa tenue. Moi j’opte pour un collier de fleurs et un sifflet, Frankie pour un loup. Il y a aussi les 12 raisins qu’il faut manger aux coups de minuit. Un raisin et un vœu par coup. Autant dire qu’il faut de l’imagination. Bref, avec tout cela, pas étonnant que certains poussent la chose jusqu’à venir sur la Plaza de Armas avec une valise. Le but de la manœuvre est de favoriser de futurs voyages. Cette idée de valise me plait particulièrement mais je finis par y renoncer sur le conseil d’un ami en raison du grand nombre de pickpockets qui seront également de la fête ce soir.

Chacun évidemment se plie à ces exigences de façon plus ou moins assidues. Mais à voir le nombre de petites échoppes vendant des slips jaunes qui ont fleuri sur les marché ces derniers jours, il doit y avoir pas mal d’émules. Et parmi toutes ces traditions, s’il y en a une qui est particulièrement chère aux Cusquéniens, ce sont les 3 trois tours de la Plaza de Armas qu’il faut effectuer en courant à minuit.

Je rentre à l’hospedaje en peu avant l’heure à laquelle j’ai rendez-vous avec la Belgique via Skype. Et oui, là-bas, les 12 coups de minuit ont déjà retenti. Je suis sur le point de lancer l’appel lorsqu’on me sollicite pour régler un petit souci. Il semblerait qu’il n’y a plus d’eau dans la chasse des toilettes de la 207. Mes connaissances en plomberie étant limitées, j’appelle à la rescousse le Señor Juan. Et c’est là que nous nous rendons compte de l’ampleur du problème. La pénurie d’eau ne se limite pas à la salle-de-bain de mes clients français mais s’étend à tout le quartier. Beaucoup de choses s’expliquent alors. Notamment, le peu d’eau chaude qu’il y avait ce matin. En effet, la société des eaux a diminué le débit de distribution. Par conséquent, faute de pression, l’eau ne peut plus monter jusqu’au troisième étage de l’édifice et atteindre les capteurs solaires pour être chauffée. D’un côté, c’est un soulagement de savoir que nos installations ne sont pas en cause mais le problème reste là. Il n’y a pas d’eau et il n’y aura probablement pas de douche ce soir. Il va falloir annoncer la mauvaise nouvelle à tous les clients.

Tous sont des plus indulgents. Il faut dire que j’ai la chance d’avoir hérité de clients particulièrement sympas et absolument pas chiants. Les seuls avec qui j’ai un peu plus de mal sont les petits Français. J’affectionne assez peu leur genre « on est jeunes, on est trop cools et on vous em... ». Mais, même eux comprennent très bien que dans cette histoire d’eau, je n’y peux rien et que je suis les mains liées. La seule chose à faire est de prendre son mal en patience.

C’est donc tous crades que nous rendrons à nos soirées de nouvel an respectives. La mienne aura lieu à l’Indigo Bar où j’ai organisé le réveillon officiel du Couch Surfing Cusco. Apparemment, au niveau de l’organisation des soirées, je n’ai pas perdu la main puisque ils sont presque soixante à avoir répondu à l’invitation. Pas facile de gérer un tel groupe... Tant qu’on est dans le bar, tout va bien même si les serveurs ont l’air un peu dépassés.

Les choses se corsent lorsqu’il faut faire bouger tout ce petit monde pour se rendre à la Plaza de Armas. Des 60, seule une bonne vingtaine arrive à destination... Le pourcentage de perte est spectaculaire. Je rebrousse chemin et finis par remettre sur la bonne voie une vingtaine de « brebis égarées en route ». J’escorte notamment un groupe d’Anglais dont l’allure titubante me fait deviner qu’ils ont déjà commencé le réveillon de bonne heure. Tout laisse à penser qu’il sera impossible de maintenir le groupe bien longtemps. J’ai déjà perdu Ignaqui et ses potes, un groupe d’Espagnols particulièrement sympathiques et assez mignons. Dommage...

La place grouille de monde, il y a de la musique et l’alcool coule à flot. Mais le plus frappant sont sûrement tous ces pétards qui éclatent de toutes parts, souvent au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires. Et plus on approche de l’heure fatidique, plus explosions et déflagrations se font intenses.

L’arrivée de l’an nouveau se fait de manière un peu bizarre. Traditionnellement, les cloches de la cathédrale sonnent les douze coups de minuit. Cette année, pour une raison qui m’échappe, ce n’est pas le cas. Faute de compte à rebours final, le passage à 2012 n’est pas aussi retentissant que je l’aurais souhaité. Pour la tradition des raisins à minuit, c’est un peu raté et puis personne ne sais vraiment quand est-ce qu’on peut enfin s’abandonner aux cris de « Feliz Año nuevo ». C’est un mouvement de foule autour de nous qui nous fait comprendre que le moment tant attendu est enfin arrivé.


Après quelques brèves embrassades, je me fais entrainer par Jackie, Paul et Darcy pour les traditionnels tours de la Plaza de Armas. Normalement, ils se font en courant mais vu la foule, tout le monde avance au pas (on se croirait au départ du Post Laaf, la musique de Village People en moins). A ce rythme-là, on n’aura pas fini nos trois tours avant l’aube. Mais Jackie et Darcy me rassurent, un tour est largement suffisant. Tant mieux parce que par endroit, là où cela n’avance vraiment pas, cela frise le supplice.

Par exemple, sur l’esplanade de la cathédrale, la municipalité a monté une scène où un groupe joue des airs apparemment populaires que tous les Péruviens reprennent en cœur. A cette hauteur, une foule s’est amassée pour profiter du spectacle. Nous avançons donc encore plus lentement et encore plus collés-serrés. Des mains baladeuses se perdent... Un petit coup de coude, aussi discret qu’efficace, pour signifier à leur propriétaire que le contact n’est pas du tout de mon goût permet de faire rentrer les choses dans l’ordre.

A l’issue de notre tour, la pluie décide de s’inviter à la fête. Il va falloir trouver un endroit pour continuer la soirée. Evidemment, toutes les boites du coin ont profité de l’évènement pour appliquer des tarifs presque prohibitifs. Payer 60.- Soles d’entrée dans une discothèque où, d’habitude, ce sont les rabatteurs qui essaient de t’attirer à coup de verres gratuits, cela fait mal. Nous sommes nombreux à refuser de nous soumettre à cette fatalité et préférons poursuivre les festivités chez Jeremy, l’écrivain américain, qui a un appart à San Blas. Et un appart parfait pour faire la fête, avec une terrasse incroyable...


Comme à l’accoutumée, il y a les habitués et les voyageurs de passage. Parmi eux, un certain Luis, un ami de Juan Carlos à qui apparemment j’ai tapé dans l’œil. Il n’arrête pas de vouloir prendre des photos avec moi. Au début, ça va mais plus la soirée passe et plus les verres défilent, plus je trouve cela lourd. J’en touche un mot à Frankie qui me répond « T’es sûre ? Tu sais, il a une copine... » Depuis quand ce genre de détail arrête un Péruvien ? Mais Frankie aussi a droit à son boulet : un gros lourdaud américain dont le sujet de conversation exclusif est le rhum. Bref, vers 4h00 du mat, il est temps de s’enfuir pour aller danser. Nous tentons le Mythology mais malgré l’heure tardive l’entrée est encore à 30.-Soles. Nous trouvons sur place trois de mes clients, David, Jessica et Cecilia. Et décidons d’aller ensemble au Muse où l’entrée est gratuite. Evidemment, cela sent l’arnaque. Pas étonnant que l’entrée soit libre, il n’y a personne. Frankie capitule et nous laisse là. Après un dernier verre, nous décidons également de rentrer sagement à la maison. Mais d’abord un dernier détour par l’échoppe d’une marchande ambulante pour un petit hamburger de fin de soirée. Là, nous retrouvons Juan José.

Je ramène donc toute l’équipe à la maison. En arrivant sur le pas de la porte, après les vœux de rigueur, je demande à Juan si tout le monde est bien rentré. C’est le cas, nous sommes les derniers qui manquions à l’appel. Parfait, je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles.

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Posté par Scrat

Jour 177, 178, 179, 180

Le 27/12/11, 15:19

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Semana de locura... Ça y est, c’est officiel: je suis enfin formellement co-directrice de notre hôtel de Cusco avec Erland. J’ai un papier qui le dit... Belle promotion en six mois même si, en gros, cela ne change pas grand-chose. Je fais exactement le même travail et n’ai pas d’augmentation de salaire vu que de toute façon, je n’ai pas de salaire du tout. Je peux juste frimer avec mon nouveau titre même si, dans ce cas, être directrice signifie également nettoyer les chambres, déménager les lits, devenir experte en posage de lunettes de toilettes, administrer la réception, faire le marketing et le contact clientèle, jouer les plombiers, faire le portier, l’hôtesse d’accueil, la décoratrice d’intérieur... Bref, le lot de tout petit indépendant qui se lance dans ce genre de business.

Le mardi, je frotte, je brique, je récure, j’époussette, j’aspire... Il faut que tout soit nickel pour les quelques derniers jours de l’année qui s’annoncent plus que chargés. Je ne suis pas peu fière d’avoir rempli tout l’hôtel pour le nouvel an. Si nous arrivons à être à la hauteur des espérances des clients, cela pourrait nous permettre de nous lancer vraiment. Il va donc falloir assurer.

Ce sont Vanessa et Caroline, deux jeunes Allemandes, qui ouvrent le bal mercredi matin. L’occasion pour moi de faire mon tout premier transfert aéroport. Et qui dit toute première fois, dit erreur de débutante ... J’ai oublié de prendre note du numéro du vol de nos passagères, ne me rendant pas compte que les informations « vol en provenance de Lima de 11h » ne seraient pas suffisantes pour identifier leur avion parmi les 5 qui arrivent chaque heure de la capitale. Erland et moi sommes un peu sous pression. Et c’est dans ce genre de conditions que notre différence de logique se note le plus. Moi, j’analyse les priorités et vais droit à ce qui me parait le plus urgent. Erland a tendance à prendre ce qui me semble être des chemins détournés. Dans ce cas, il me reproche mon manque de précision, moi son heure de retard à notre rendez-vous. S’il était arrivé à 8h30 au bureau comme je le lui avais demandé, on aurait pu palier le problème. Bref, une fois encore, on se bouffe le nez. C’est le soulagement de voir finalement apparaitre Vanessa et Caroline qui nous réconcilie.

Le vendredi, les filles nous quittent pour se lancer sur le camino inca en nous laissant un petit cadeau, deux visiteurs surprise : Richard et Teresa, un couple également allemand. Il va falloir s’activer pour le nettoyage et réorganiser toute l’occupation des chambres. Mais nous ne pouvons pas dénigrer cette aubaine. Décidemment, la pénurie de lits d’hôtel à Cusco en cette période de fêtes nous aura également bien profité. Nous avons des clients partout y compris dans le placard à balai que nous reconvertissons in extrémis en chambre (transformant au passage ma propre chambre en dépôt provisoire)...

Il y aura deux autres arrivées ce jour-là. Le grand rush peut commencer. Nous jouons gros sur ce coups-là. Je me mets donc aux petits soins de mes clients. C’est un effort de tous les instants car, en mode vacance, mes voyageurs semblent ne pas avoir d’horaire et n’hésitent pas à venir me trouver dans ma chambre au-delà de 22h, voire à m’appeler à 1h30 du matin pour savoir s’il me reste un lit pour un couple avec qui ils viennent de sympathiser en soirée... Ceci cadre moyennement bien avec ma routine matinale de la semaine : lever à 5h00 pour nettoyer les salles communes et couloirs avant le réveil des clients, à 6h00 je prends le relais du portier de nuit dont la garde se termine, à 8h30 reprise du travail au sein de l’équipe de TURURAL. Autant dire que les nuits se font de plus en plus courtes et mes cernes de plus en plus marquées.

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Jour 176

Le 26/12/11, 7:23

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Ce matin, comme prévu, nous nous rendons à Maras pour notre demande de rendez-vous auprès de l’alcalde. Tous les leaders de la communauté de Cruzpata nous accompagnent. Moi, par contre, je reste dans la voiture en compagnie de celui qui est peut-être devenu mon plus fidèle compagnon ici, mon très cher ordinateur portable qui ne me quitte presque jamais. J’attends patiemment mes compagnons et écoutant les annonces faites au speaker depuis la municipalité. On recherche de valeureux concurrents pour la prochaine course d’ânes...

Après la réunion, nous tombons sur Jaime, un des participants de Mullakas-Misminay. Cela tombe bien, nous voulions justement faire un détour par sa communauté pour visiter la fameuse casa-hacienda que les habitants envisagent de remettre à neuf pour en faire un camping. Ce sera également l’occasion de vérifier les conditions de logement des volontaires qui participeront au futur chantier international là-bas l’été prochain.

Jaime nous conduit donc d’abord à la casa-hacienda qui, malgré son délabrement, se révèle être un véritable petit bijou. La localisation, dans un écrin de verdure à deux pas de Moray, est idéale. La vue, splendide. La répartition des pièces est parfaite : les communs et la cuisine au rez-de-chaussée, les chambres à l’étage avec un immense balcon qui permet de profiter d’un panorama époustouflant. Pour l’instant, faute d’escaliers, l’accès à l’étage du haut demande un peu de gymnastique mais cela ne me fait pas revenir sur mon point de vue : cette maison a un cachet et un potentiel immense. Le travail pour la remettre en état ne manquera pas, mais si la communauté parvient à la réhabiliter, elle peut en faire un atout majeur.


Jaime nous emmène ensuite chez lui dans l’un des 5 secteurs de la communauté, celui de Sta Ana. Je veux vérifier de mes propres yeux si lui et le petit Edwin sont en position d’offrir un logement aux futurs volontaires qui travailleront dans la communauté ou si ces derniers devront se contenter de rester dans le secteur de Misminay. En effet, ce n’est pas parce que Misminay offre des conditions de logement optimales puisque les habitants travaillent déjà le thème du tourisme rural avec une grande agence de voyage, qu’il faut oublier les autres secteurs. Nous voudrions que tous nos participants de la communauté aient l’occasion de loger les volontaires, surtout Edwin qui est probablement un de nos étudiants les plus assidus. En effet, recevoir des volontaires est un bon moyen pour s’exercer à l’art de recevoir et échanger avec des visiteurs.

A vrai dire, je redoute un peu cette « inspection » et crains d’être déçue. A voir la cour intérieur de la maison de Jaime, je reste sur cette impression. En effet, avec les pluies qui se sont récemment abattues sur la région, les patios en terre battues de maisons rurales ce sont transformés en marres de boues. Et quand des animaux y sont élevés, comme c’est le cas chez Jaime, c’est pire encore car le fumier se mélange à la gadoue. C’est tout sauf accueillant. Mais Jaime nous explique qu’il compte recevoir ses visiteurs non pas chez lui mais dans l’ancienne maison de son père. Changement de perspective et de décor... La seconde maison située sur les hauteurs semble bien plus adaptée à l’accueil de voyageurs. Il y a de vastes chambres, la cour est beaucoup moins boueuse, l’endroit est très calme et il y a même un cabinet de toilette. Ici, je me fais beaucoup moins de souci pour mes volontaires.

C’est donc soulagée que je prends le chemin de la maison d’Edwin, plus loin encore sur les hauteurs. Et la montée ne se fait pas sans peine. Sous l’effort, j’ai l’impression que mon « Arroz a la Cubana » de 10 heures, un plat à base de riz, œufs et bananes. (Super bon...), va se rappeler à mon bon souvenir. J’arrive au sommet essoufflée, fatiguée, dans un assez piteux état. Et comme un malheur n’arrive pas seul, la maman d’Edwin nous propose une petite chicha pour nous requinquer. Mais personnellement, je doute que cela améliore ma condition, bien au contraire. Je ferais n’importe quoi pour passer mon tour...

Dire qu’Edwin tous les jours termine son trajet quotidien d’une bonne dizaine de kilomètres depuis Maras par cette horrible côte... Nous avions déjà beaucoup de respect pour cet adolescent qui malgré un particulièrement long trajet à pied ne rate aucune de nos séances de formation. Mais en me rendant compte sur place de l’effort que lui demande cette assistance assidue, je ne peux que m’incliner devant son courage. Malheureusement, Edwin n’est pas là pour que nous puissions le féliciter une fois encore. La visite sera de courte durée.

Sur le chemin du retour, une fois de plus, je pique du nez dans le 4X4. Il faut dire que pour avancer dans mon travail, je me suis levée à 5h du matin et la journée est loin d’être finie puisque cet après-midi, nous allons à Tankarpata pour distribuer aux enfants de la communauté les jouets que nous avons récoltés lors du repas du réveillon de Noël.

Nous avons proposé à tous les participants au repas de nous accompagner pour offrir en personne leur cadeau s’ils le souhaitaient. Entre les Couch Surfers qui ont répondu à l’invitation et les volontaires de Cooperarperu, nous sommes une bonne vingtaine à nous retrouver vers 15h00 à la Caja Mágica. Il faut donc organiser des équipes. Celle des filles part en éclaireur pour donner un petit coup de balai au centre où Cooperarperu travaille avec les enfants au sein de la communauté. Un autre groupe s’en va acheter quelques derniers cadeaux et surtout chercher le costume du papa Noël. Il reste deux autres équipes avec à leur tête Gustavo et moi-même. Et dans ma « troupe », il y a un atout de choc : Omar, l’un des artistes que j’avais interviewé dans le cadre de The Busking Project et qui a gentiment accepté de venir faire un spectacle pour les enfants. Autant dire que lorsqu’il arrive dans la communauté avec son monocycle, il ne passe pas inaperçu. Tous les enfants lui foncent dessus.

Comme Eduardo n’est pas encore arrivé, ce sont Jackie et moi qui prenons la direction des opérations. En effet, sans leur mentor pour leur donner des instructions, les volontaires de Cooperarperu semblent un peu perdus. Nous activons donc tout le monde pour faire installer les enfants à l’intérieur pour que Jackie puisse leur faire une petite présentation sur ce qu’est Noël, le Père Noël, les Rois Mages, etc. Jackie commence par un petit energizer censé capter l’attention des enfants. Seule la moitié participe, les autres se contentent de regarder, à l’instar de bon nombre des adultes présents qui, eux non plus, ne se mêlent pas au jeu. Personnellement, cela me dépasse. Pour moi, participer aux activités avec les enfants est une chose tellement naturelle.

Ensuite, Jackie essaie tant bien que mal de débattre avec les enfants et de leur expliquer qu’à Noël le plus important ne sont pas les cadeaux mais bien le fait de partager un bon moment avec ceux qui nous sont chers. Pauvre Jackie, les enfants sont très dissipés. La majorité n’écoutent absolument pas et préfèrent jouer avec leur voisin. Elle n’a clairement pas choisi la tâche la plus facile.

Ensuite nous allons dehors pour faire un petit jeu, une sorte de renard qui passe. Eduardo est enfin arrivé. Les choses commencent à prendre forme. Presque tous participent cette fois à l’activité, adultes y compris. Après le jeu, commence enfin le spectacle d’Omar. Pour lui aussi les conditions sont un peu difficiles, il faut interagir avec des enfants un peu plus turbulents qu’à l’habitude et qui, de temps à autre, tentent de lui chiper son matériel. Mais en soi, tout se passe relativement bien. Le spectacle est très réussi, la plupart des enfants semblent captivés et en redemandent.








Arrive le moment un peu difficile de « prendre congé » des enfants qui nous ont rejoints pour l’occasion mais ne participent pas régulièrement aux activités de Cooperarperu. En effet, eux aussi savent qu’il va y avoir une distribution de cadeaux et espèrent recevoir le leur. Or, les cadeaux sont en nombre limité et réservés aux enfants qui fréquentent quotidiennement le centre de soutien de l’ONG. Eduardo leur explique qu’ils peuvent s’inscrire aux activités à partir de janvier et pourront ainsi participer à la fête l’année prochaine. Malheureusement, aucun ne veut partir et il faut trouver un moyen de mettre dehors les non-habitués et de les empêcher d’entrer à nouveau. Pendant toute la session de distribution de cadeaux, ceux-ci frapperont à la porte pour qu’on les laisse prendre part à la fête.

Finalement arrive le tant attendu Père Noël pour la non moins attendue distribution de cadeaux. Chacun reçoit des mains de celui-ci un paquet cadeau à son nom et tous l’embrassent pour le remercier. Au niveau des jouets, il y en a pour tous les goûts : camion, voiture télécommandée, ballon de foot, dinette, poupée, perles pour faire des bijoux, etc. Lorsque le Père Noël donne le nom de l’un ou l’autre « ami secret » d’un des Couch Surfers présent sur place, celui-ci ne peut s’empêcher de vérifier discrètement si l’enfant a apprécié son cadeau. Personnellement, je suis ravie de voir que le journal intime que j’ai offert à la petit Flor semble lui plaire.







La distribution de cadeau s’éternise un peu à mon goût. Les enfants sont surexcités et veulent tous montrer à leurs camarades ce qu’ils ont reçu (parfois pour procéder à des échanges...). Cela crie dans tous les sens. Que d’émotions... Ce joyeux bordel commence pourtant à me fatiguer et à voir la tête des autres volontaires, je ne suis pas la seule dans ce cas. Après une ultime photo de groupe, nous sommes sur les genoux mais contents de pouvoir quitter le centre une fois notre mission accomplie.

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Posté par Scrat

Jour 174

Le 24/12/11, 6:34

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En cette veille de Noël, une frénésie particulière s’est emparée de la ville. Et Cusco n’est pas la seule à être agitée, je le suis tout autant car la journée s’annonce longue et bien remplie. Elle commence par un passage éclair sur la Plaza de Armas où s’organise chaque 24 décembre une sorte de bazar de Noël. On y trouve de tout, des bibelots, des vêtements, de l’artisanat (dont quelques objets au design intéressant).

Mais je ne peux guère m’attarder car j’ai rendez-vous vers 10h à la Caja Mágica, le QG de Cooperarperu. Depuis plusieurs jours, en effet, avec Eduardo et ses volontaires, nous préparons un réveillon de Noël afin de récolter des jouets pour les enfants de Tankarpata et pour faire connaître le travail de l’association. L’idée est de proposer à tous les étrangers de passage à Cusco un endroit pour passer Noël en toute convivialité même s’ils sont loin de leur famille. En plus de leur participation financière au repas, chacun peut également se soumettre au petit jeu de l’ « amigo secreto ». Pour ce, il doit apporter un jouet pour un des enfants de la communauté dont nous sommes chargés de lui communiquer au préalable le nom, le sexe et l’âge. Mon amie secrète, par exemple, est la petite Flor, 13 ans.

Et la proposition semble plaire car, alors que nous voulions limiter le nombre de participants à 20, nous avons reçu plus de 40 demandes de réservation. La gestion d’une telle tablée n’est pas des plus aisées. Autant dire que je passe tout mon samedi matin à jouer les secrétaires en tentant de caser mes 20 invités de dernière minute. Peu à peu, le stress monte...

Avec Eduardo et Elena, une des volontaires espagnols arrivés il y a quelques jours, nous nous rendons ensuite au marché pour acheter les derniers articles dont nous avons besoin. Cependant, ce n’est peut-être pas le meilleur jour pour faire ses courses. Que ce soit au Molino ou sur la place Tupac Amaru, les allées des marchés sont noires de monde. J’en profite également pour acheter quelques cadeaux pour les enfants. Des figurines Spiderman pour le petit Fernando, un journal intime pour Flor. Nous finissons nos achats au « Baratillo », le fameux marché du samedi où on trouve de tout pour presque rien. Notre mission est de dégoter des chaussures pointure 36 que Luna, une autre volontaire de Cooperarperu, pourra offrir à son amie secrète. La tâche n’est pas évidente car il faut négocier ferme pour entrer dans le budget imposé de 20.- Soles par cadeau. Nous y parvenons presque en obtenant un prix de 25.- Soles pour une paire de jolies bottines bien chaudes.

Le temps de prendre une douche éclair, me voilà de retour à la Caja Mágica juste pour l’arrivée des premiers invités. La maison semble prête pour accueillir tout ce petit monde, des odeurs alléchantes s’échappent déjà de la cuisine. Je m’installe à la caisse (après 6 ans de travail dans une banque, les histoires de sous cela me connait). On peut donner son top départ à la soirée. En fait, il y a pas mal de désistements mais aussi de nombreux participants imprévus. L’un dans l’autre, nous sommes 36 convives, un résultat plus qu’honorable.

Parmi les participants, il y a notamment Raymond, un Luxembourgeois qui a étudié au Séminaire à Bastogne. Cela fait un peu bizarre de tomber, à l’autre bout du monde, sur quelqu’un qui a fait ses études dans la même petite école que vous. Lorsque je lui demande ce qui l’amène au Pérou, il me répond « le grand classique : la traversée du continent américain de l’Alaska jusqu’à Ushuaïa ». Sur le même ton blasé que lui, je réponds par un simple « Ah, oui ». Il faut croire que je fréquente trop de voyageurs, car à ce niveau peu de choses m’impressionnent à présent.

Il est déjà plus de 22h et les ventres commencent à crier famine. Seul petit hic : Eduardo veut passer une vidéo présentant le travail de l’ONG avant le repas. Mais la vidéo n’est toujours pas terminée. Il me supplie : « je t’en prie, laisse-moi encore 5 minutes ». Je cède et il tient sa promesse : 5 minutes plus tard, nous diffusons une de ces vidéos si attachantes dont Eduardo a le secret. On peut enfin passer à table pour goûter le fameux lechon de Fanny, notre cuisinière du soir. Celui-ci est accompagné des toutes aussi célèbres « papas morayas » ou Chuño blanc, des pommes-de-terres gelées, séchées puis réhydratées avant d’être cuisinées. Celles-ci ont un goût particulièrement prononcé. Au dessert, nous avons droit à l’incontournable paneton puis au Pisco Sour maison d’Eduardo.





Il est presque deux heures de matin quand je peux enfin m’assoir pour profiter des derniers invités. Mais le répit est de courte durée. C’est décidé, ce soir on sort. Notre première étape est le Washuma, un bar reggae. Drôle de lieu pour passer un réveillon. Ok, Noël est la célébration de la paix et de l’amour mais de là à se retrouver dans un endroit si « peace and love »... Nous enchainons ensuite avec l’habituel Mythology.

C’est l’occasion pour nous de passer par la Plaza de Armas et découvrir la face cachée du réveillon à la Cusquénienne. A l’occasion du grand marché de Noël qui a eu lieu dans la journée en cet endroit, de nombreuses familles paysannes sont venues en ville vendre du lichen, particulièrement prisé ici pour les décorations de Noël. En général, les parents emmènent avec eux leurs enfants dans l’espoir que des touristes leur offrent des cadeaux pour l’occasion. Souvent, ces familles ne peuvent effectuer le voyage de retour le jour-même et n’ont pas de quoi s’offrir une chambre d’hôtel. Ainsi, à la nuit venue, c’est par centaines que les arches de la Plaza de Armas accueillent ces gens qui n’ont d’autre lieu où dormir. Les voir ainsi sur leur lit de fortune à même le sol, grelottant de froid, pendant que d’autres (nous y compris) vont écumer les boites de nuit, vous fait un peu vous demander à quoi rime le fameux esprit de Noël.

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Posté par Scrat

Jour 173

Le 23/12/11, 5:01

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C’est aujourd’hui le branlebas de combat à CENPRODIC. En effet, nous avons réuni tous les employés de l’ONG dans les infrastructures de Sta Ana pour effectuer un grand nettoyage de printemps (et oui, ici, à cette époque c’est le printemps). Nous attendons environ 20 personnes pour venir nous prêter main forte. Et vu l’état de désolation de notre jardin qui s’apparente bien plus à un terrain vague, ce ne sera pas du luxe. Seul petit hic : la pluie, elle, ne l’entend pas de cette oreille et a bien décidé de nous mettre des bâtons dans les roues.

Une fois toute la troupe au complet, il faut se répartir les tâches. Il n’est pas facile de motiver ce petit monde qui n’a clairement pas envie de se mouiller. C’est incroyable à quel point on fait toute une histoire avec la pluie ici. Habituée au climat belge, cela fait longtemps que je me suis fait une raison à ce niveau: s’il faut reporter un truc à chaque fois qu’il pleut autant ne plus rien faire. Heureusement, Erland prend les choses en main et propose dans un premier temps de vider les dernières petites maison du fond de la propriété pour faire l’inventaire de tout ce qu’on y trouve avant de tout entreposer ailleurs. Ainsi, nous libérons de la place pour les futurs concierges de l’hospedaje.

Même s’il faut être derrière eux à tout moment, la plupart de collaborateurs de CENPRODIC se mettent à l’ouvrage. Seul un petit groupe d’irréductibles tire-au-flanc (les ingénieurs de Maras en premier) sont impossible à mobiliser. Quand il faut donner des ordres, il n’y a pas de problème, ils sont là. Mais lorsqu’il faut mettre la main à la pâte, c’est une autre paire de manches. Bien qu’on leur ait confié des tâches, ils ne décollent pas de l’endroit où se prépare le barbecue de midi. Comment n’ont-ils pas honte de se la couler douce pendant que les autres s’activent ?

La répartition des tâches s’est faite de façon tout à fait naturelle : les hommes dans les entrepôts et les femmes aux fourneaux. Enfin, sauf moi qui préfère porter meubles et matériaux de construction avec les hommes que de me cantonner à préparer le repas. Serait-ce par militantisme féministe ou par simple aversion pour la cuisine ? Probablement un peu des deux...

Pendant ce temps, bien au chaud (ou du moins au sec), Waël et Jimmy planchent sur le prototype de chauffage d’eau à énergie solaire. Les deux ont l’air de s’entendre comme larrons en foire. Au-delà du financement des projets de CENPRODIC, le centre de logement de Sta Ana a également pour vocation de favoriser les échanges entre les voyageurs, créer des synergies autour d’une même vision de solidarité Nord-Sud. Voir ainsi collaborer le Péruvien et le Français fait donc chaud au cœur. A ce niveau, nous sommes sur la bonne voie.


Vers midi, nous nous retrouvons tous près du feu du barbecue afin de nous sécher un peu. Guillermo s’improvise barman et sert à chacun un petit verre de Rhum Coca bien tassé. Lorsque certains se plaignent du mélange trop corsé, il répond qu’il nous faudra bien cela pour nous réchauffer. On installe ensuite une grande plaque métallique circulaire qui nous servira de grille de barbecue. La cuisson peut commencer. Au menu, saucisses, poulet, côtelettes de porc et pomme-de-terres. En notant l’absence de légumes, je ne peux m’empêcher de penser à Kamel qui se plaint déjà de nos barbecues belges ou du Nord de la France essentiellement carnivores. Ici, c’est encore l’échelon au-dessus. Mis à part cela, le repas est délicieux et bien arrosé. A voir se détériorer au fil des verres l’état de mes collègues, mes espoirs que l’on reprenne le travail pour s’attaquer au nettoyage du jardin s’évanouissent peu à peu.




Et je ne vaux pas mieux que les autres. Lorsque Waël nous amène quelques amis français, je n’en mène pas large. Je dois jouer les relations publiques, présenter notre travail et discuter d’éventuelles possibilités de volontariat pour certains d’entre eux. Pas facile, facile avec un petit verre dans le nez... Mais je crois que nos visiteurs sont indulgents et comprennent la situation. Et puis, eux aussi ont droit à une petite bière.

Waël et ses amis finissent par prendre congé de nous. Le temps de danser est arrivé. Et comme la gente féminine a peu de représentantes, nous sommes particulièrement sollicitées. Je suis invitée à danser par tous les membres fondateurs de l’ONG. De par le passé, mes collègues m’avaient demandé à plusieurs reprises mes critères en matière d’homme. Exaspérée par les maintes réitérations de la question, j’avais fini par répondre « vieux et friqué ». Me voyant donc danser avec tous ces hommes d’un âge certains, Erland et Goyo me lancent avec un clin d’œil complice « alors, Sophie, on prospecte... ».


Les petits vieux sont relativement indulgents avec ma maîtrise approximative du Huayno. Ils me laissent faire un peu n'importe quoi sans se permettre de commentaires. Il faut dire que dans la bande, Erland est le seul qui danse réellement bien. Et, pour me les avoir appris à la première semaine de mon arrivée, lui, sait que je connais les pas. Avec lui, pas question de me défiler et de me contenter de faire de la figuration. Il s’agit de respecter les règles de l’art. L’occasion de me rappeler à quel point cette danse est fatigante. Cela finit par m’achever...

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Jour 172

Le 22/12/11, 0:09

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Cet après-midi, nous nous rendons à nouveau à Cruzpata pour une seconde réunion concernant l’organisation de chantiers internationaux. Cette fois, l’assemblée a tout ce qui a de plus officiel et se fait en présence du président de la communauté, des trois présidents sectoriels et de l’alcalde menor. Chacun représente un niveau de pouvoir différent. En effet, le Pérou est divisé en 25 régions, elles-mêmes composées de provinces, formées par un ensemble de districts qui comptent plusieurs communautés qui, à leur tour et en fonction de leur importance, peuvent comprendre plusieurs secteurs. Dans le cas de Cruzpata, les présidents sectoriels sont à la tête de chacun des 3 secteurs de l’entité communautaire. Actuellement, la communauté dépend de Maras mais est en passe de devenir un district à part entière. Pour cette raison, elle compte déjà avec un alcalde menor, soit un alcalde subalterne qui dépend de celui de Maras. Il y a également un secrétaire qui prend note des « actas de sesión », soit des minutes officielles de la réunion qui apparaitront dans les registres de la communauté. C’est donc tout ce qui a de plus sérieux.

Pour moi, il s’agit de la première fois que j’assiste à une réunion de cette importance. C’est l’occasion de découvrir tout le protocole de mise pour ce genre d’évènement. Avant de prendre la parole pour la première fois, il est de rigueur de saluer personnellement chacun des participants en faisant référence à son titre. On s’adresse à Erland, par exemple, en tant que Licenciado. De temps à autre, nos interlocuteurs se trompent et mon chef devient alors Ingeniero voire Arquitecto. Ce n’est pas bien grave même si, connaissant l’opinion d’Erland sur les ingénieurs, cela ne doit pas le ravir. Moi, je reste Señorita Sophie. Cela me convient parfaitement et je me vois mal insister pour qu’on m’appelle Licenciada.

Malgré le froid qui s’est emparé de la salle de réunion spécialement aménagée dans la maison du président, les débats sont relativement productifs et nous parvenons à deux accords. L’un concerne directement les chantiers internationaux, l’autre la réalisation d’un ponton sur la lagune afin de promouvoir l’activité touristique à Cruzpata. La prochaine étape sera de demander audience à l’alcalde de Maras pour lui soumettre ce dernier projet et solliciter la participation financière de la municipalité, voire de la province d’Urubamba. Pour ce faire, nous nous donnons à nouveau rendez-vous lundi mais à Maras cette fois.

Je suis assez contente de la réunion car notre message est bien passé semble-t-il. Je crois que les différents participants ont bien compris ce qu’était un volontaire et qu’il n’était pas à confondre avec un touriste. Cet aspect pour moi est des plus importants car le bon déroulement du chantier en dépend grandement. Lundi, après notre rendez-vous de Maras, nous repasserons à la petite école du District de Chequere pour terminer de définir les travaux que réaliseront les volontaires durant ce premier chantier. Après de multiples prises de contact, je suis soulagée de voir qu’on avance enfin à ce niveau.

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Jour 169

Le 19/12/11, 0:12

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Le lever se fait vers 4h40 et surtout au pas de course. A peine assise dans la salle d’attente de la gare d’Aguas Calientes, j’apprends que mon train aura une heure de retard. Dans les faits, il en aura deux. Mon rendez-vous de 10h à Cusco semble compromis. Tant pis...

Il nous faut un temps infini pour parcourir les 50 km qui séparent Aguas Calientes d’Ollantaytambo, plus de 2h30. A la descente du train, je me fais presque emportée par la foule de porteurs. Ils n’ont pas une minute à perdre et n’hésitent pas à me pousser gentiment (ou pas) pour que je leur cède le passage.

Le temps de prendre deux combis, me voilà de retour à Cusco vers 13h30. Je suis morte. Après une petite sieste, je décide de plancher sur le « dossier réveillon de Noël » et pour cause, j’ai une réunion à ce propos avec Eduardo à 19h30. Réunion que j’expédie au plus vite pour rentrer me recoucher. Concentrée en permanence sur mon PC, ce soir, je n’ai peut-être pas été des plus sociables avec les volontaires et le visiteur bulgare d’Eduardo. Tant pis, aujourd’hui ma priorité est mon lit, pas ma vie sociale.

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Jour 168

Le 18/12/11, 22:21

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Le contraire aurait dû être étonnant... Je suis la seule capable de me lever comme prévu à 5h30. Comme j’ai finalement décidé de rester une nuit de plus pour profiter davantage du coin et pouvoir à mon tour sortir un peu, je ne suis finalement pas bien pressée et laisse une heure de répit à mes collègues.

Malgré cela, la petite bande reste difficile à faire sortir du lit et à faire bouger. Le temps de boucler les sacs, d’acheter les entrées et billets de train de chacun, de prendre un petit déjeuner au marché, il est plus de 10 heures quand nous montons enfin dans le bus qui doit nous mener au sommet de la montagne où se trouve le fameux Machu Picchu.


En raison d’un lendemain de veille difficile et d’une prise de tête au guichet de la gare, Erland est d’une humeur massacrante. Ce n’est pas bien de se réjouir du malheur des autres mais j’en profite pour prendre ma revanche de la veille : « Erland, tu râles ? ». D’un côté, je comprends son effroi. Voir comment Peru Rail, la compagnie ferroviaire qui exploite la ligne de Ollantaytambo a Aguas Caliente, traite les usagers locaux donne envie de crier au scandale. Les Péruviens ne peuvent pas se mélanger aux touristes. Au mieux, ils voyagent dans un autre wagon mais parfois carrément dans un autre train. Et ils ne peuvent prendre le train que deux à trois fois par jour tandis que les touristes en ont un presque toutes les heures. C’est dingue, on se croirait au temps de l’apartheid. Du point de vue des touristes, tout n’est pas rose non plus. Peru Rail et les autres pourvoyeurs de services touristiques tentent de leur « sucer le sang jusqu’à la dernière goutte ». Mine de rien, mon billet de train m’a couté neuf fois le prix de celui de mes collègues. Et encore, j’ai réussi à obtenir un des moins chers.

Fin prêts, nous attendons que le bus démarre. Du véhicule, nous apercevons José, un autre participant au projet TURURAL. L’un des benjamins du groupe. Il est venu en excursion avec le Club des Jeunes de sa communauté, Mahuaypampa. J’ai l’impression qu’il aurait préféré ne pas tomber sur nous. Je suppose qu’aux yeux des amis de son âge nous devons passer pour de vieux ringards. Nous n’insistons pas...

Le bus part enfin. Sur le chemin qui nous emmène à la Cité Perdue des Incas, je ne peux m’empêcher de me demander à quoi rime tout ce cirque. Dans un certain sens, j’ai l’impression d’être là sous une sorte de pression sociale et de n’être qu’un mouton de plus qui se plie au dictat de la visite obligatoire du Machu Picchu. J’espère qu’au moins cela en vaudra la peine. Mais au vue de tout ce matraquage touristique, je me dis que rien n’est moins sûr.

Sur place, j’ai la chance de faire la visite en compagnie de trois guides : Erland, Beatriz et Rolando. Goyo me fait remarquer que je dois être richissime pour bénéficier des services d’une telle équipe. Je me contente de répondre que vu la gueule de bois générale du groupe, il m’en faudra bien trois pour obtenir les résultats d’un seul frais et dispos. Et je ne me trompe pas. Au début, les explications sont plus que laborieuses. Beatriz se souvient vaguement que le site est divisé en deux parties, une agricole et une urbaine. A part cela, elle a tout oublié de ses cours. Merci Bea pour cette importante contribution...


Finalement, c’est Erland qui prend le relais et m’explique que le site était une citadelle imprenable destinée à défendre l’empire incas d’éventuelles attaques des peuplades rivales vivant dans la forêt amazonienne. Erland partage avec nous ses connaissances en matière de construction, d’organisation et de culture inca. Autant que faire se peut, il tente de donner la parole à Beatriz et Ronaldo dont le savoir en la matière semble assez vague. Bien sûre, ils ne sont encore qu’étudiants mais leur manque de maîtrise du sujet me laisse perplexe.

Malgré tout, le site est impressionnant. Peut-être pas exactement à la hauteur de tout le battage qu’on en fait mais remarquable quand même. En tout cas, Rolando qui, tout comme moi, visite l’endroit pour la première fois, mitraille avec son numérique. Et comme c’est un gentil garçon, il me propose à tout bout de champs de me prendre en photo avec mon propre appareil pour que j’aie quelques images immortalisant mon passage au cœur de ce qui est considéré comme une des sept merveilles du monde contemporain. Je pense n’avoir jamais eu autant de photos de ma petite personne sur ma carte mémoire...








Après la visite, nous décidons de regagner Aguas Caliente en empruntant le sentier réservé aux piétons. Il nous faut 45 minutes pour descendre cet escalier de pierre aux marches peu régulières. Je crois que cela finit d’achever mes collègues qui sentent de plus en plus les effets des excès de la veille. Il leur reste 5 heures à patienter avant de prendre leur train et semblent tous décidés à comater pendant ce temps. Mais moi, je ne suis pas vraiment de cet avis. Hors de question de zoner toute l’après-midi dans une chambre d’hôtel. Je pars me balader puis profiter du soleil et écrire mon carnet de voyage sur la petite place du village où trône un intéressant « sapin-crèche » fait de bouteilles de plastique vert, probablement de récupération.









José Luis est également de passage à Aguas Caliente avec un groupe de touristes. Nous passerons donc la soirée ensemble. Le petit guide francophone est toujours d’aussi agréable compagnie et a des verres à l’œil dans les bars qu’il recommande à ses clients. Que demander de plus ?

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Jour 167

Le 17/12/11, 22:37

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Au lever, j’ai une méga tête dans le c... Il n’y a pas d’autres mots pour exprimer à quel point le manque de sommeil me rend presque inerte et ronchon. Le pire de tout est qu’au final, j’aurais pu dormir quelques heures de plus car nous devons attendre Goyo qui rentre de Puno. Au lieu de partir à 6 heures comme prévu, il est en plus de 9 lorsque nous quittons Ollanta. Qu’est-ce que j’aurais donné pour une ou deux heures supplémentaires de sommeil, surtout en sachant la journée qui nous attend... Et pas même le chocolat chaud de la maman de Goyo n’arrive à me réconforter. Ni encore moins les questions à répétition d’Erland qui interprète mon mutisme matinal pour de la râlerie :
- « Tu râles ? »
- « Non... »
- « Tu râles ? »
- « Non... »
- « Tu râles ? »
- « Maintenant, oui, je râle. Erland tu m’énerves !!! ».

Il est presque 10 heures lorsque nous commençons enfin notre randonnée au niveau du kilometro 82. Comme Beatriz nous a également rejoints, nous sommes cinq à nous lancer dans l’aventure. L’idée est de suivre le chemin de fer en empruntant des sentiers parallèles. Dans un premier temps, la solution semble plus que satisfaisante. Ces petits chemins permettent de profiter des mêmes magnifiques paysages que les usagers du train tout en marchant à l’abri de tout danger et en profitant de petits sites archéologiques récemment mis en valeur par le ministère de la culture.


On remarque bien que nous nous situons environ mille mètres plus bas que Cusco. La chaleur ici se fait plus moite, la nature plus luxuriante, les fleurs plus nombreuses.





Evidemment, le chemin est un peu plus vallonné que la voie ferrée. Nous grimpons jusqu’à 50 mètres au-dessus de celle-ci pour mieux redescendre et ainsi de suite. La route est jalonnée de petits ponts de bois, de barrières à bétail aux ingénieuses charnières faites en semelles de chaussures usagées. Astucieux système D. Le tout donne encore plus de charme à la ballade.




Sur le trajet, nous croisons quelques porteurs du «camino inca ». Presque au pas de course, ils avancent l’échine courbée sous le poids d’énormes sacs presque plus grands qu’eux. Pauvres bêtes de somme humaines. Malgré cela, ils te saluent tous par un cordial « Buenos días ».

Bien entendu, de temps à autres, nous devons traverser la voie ferrée, voire même y marcher pour une à deux centaines de mètres mais c’est un moindre mal. Cependant, au bout de dix kilomètres, les petits chemins qui m’avaient jusque-là tant ravie disparaissent. Dans un premier temps, nous marchons sur un sentier qui longe les rails à une distance raisonnable. Mais peu à peu, ce sentier disparait à son tour. Réaliser que les vingt kilomètres restant se feront sur le chemin de fer réduit à néant le peu d’entrain que j’avais récupéré. Premièrement, ce genre de marche est ennuyante et éprouvante. Dès le matin, j’avais senti les effets secondaires des efforts de la veille et cela va de mal en pis. J’ai la plante des pieds en feu et un début d’ampoule à hauteur du coup de pied. Et puis le but de cette expédition n’était-il pas d’ouvrir une nouvelle route à commercialiser ? Honnêtement, je pense qu’aucun touriste ne paierait une agence pour qu’elle l’emmène ici.

Il faudra retenter notre chance en passant par les hauteurs. Cela signifie donc qu’il faudra sûrement revenir. Ce qui va être compliqué en raison des restrictions budgétaires qui nous sont imposées. Avant de partir, nous avions une obligation de résultats et il faut admettre qu’à ce stade, notre succès est mitigé. Il va probablement falloir renégocier ferme avec Aurelio...

Plus le temps passe, plus le moral de troupes baisse. La marche est vraiment épuisante et il est presque 19h lorsque nous arrivons enfin à notre destination, Aguas Caliente.


Petite communauté rurale sans histoire, au fil des ans, Aguas Caliente s’est développée pour devenir aujourd’hui cet étrange de point de modernité au milieu de nulle part. Ses rues pavées, ses cafés branchés me donnent vraiment une drôle d’impression. Il faut dire qu’avec l’essor du Machu Picchu, la bourgade s’est convertie en l’une des destinations les plus visités du Pérou.

Nous nous rendons dans un hôtel bon marché connu par Erland. La chambre ne paie pas de mine mais il y a l’essentiel : un lit, des draps propres et de l’eau chaude.

Comme nous nous sommes exclusivement nourris de fruits sur le trajet, nos ventres crient tous famine. Nous partons en quête de quoi nous rassasier et échouons dans une pollería. Une fois repus, Erland nous convoque tous à une réunion de la plus haute importance pour définir le programme de la soirée. Tous veulent sortir. Tous, sauf moi. Je suis crevée et je veux être en forme pour la visite du lendemain. Non sans mal, j’arrive à prendre congé de mes camarades pour me reposer un peu. Pourtant, j’ai du mal à fermer l’œil. L’insonorisation de l’hôtel laisse à désirer. Entre la musique du restaurant d’en bas et la clique qui fait la fête dans la chambre d’à côté, je peine à trouver le sommeil.

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Jour 166

Le 16/12/11, 22:14

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Aujourd’hui est le premier jour de notre grande expédition de Cusco à Machu Picchu, ou Mapi comme disent les pros ici (et puisque je suis en passe de devenir pro, moi aussi, je dis Mapi même si Goyo me reproche mon manque de respect envers le patrimoine inca...). En effet, nous avons fait le pari un peu fou d’ouvrir une nouvelle route alternative à destination de la Cité Perdue des Incas. Celle-ci aurait l’originalité d’être la seule à partir directement de Cusco tout en étant économiquement plus accessible et, surtout, tout en passant par la zone où se développe notre projet. Sur le papier, la chose est faisable. Il ne reste plus qu’à vérifier sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle, Erland, Rolando (un de nos participants de la communauté de Senca) et moi sommes ce matin dans un combi à destination de Cruzpata. En effet, nous faisons l’impasse sur le tronçon Cusco-Cruzpata qu’à présent nous connaissons presque par cœur car notre objectif du jour est déjà particulièrement ambitieux : relier en un jour Cruzpata et le kilometro 82, soit le 82e km de la voie ferrée qui va de Cusco au Machu Picchu. Cela revient à marcher en un jour ce que nous proposerons à nos touristes de faire en deux. Autant dire que nous n’avons pas une minute à perdre.

La première partie du trajet se passe relativement bien. Nous marchons à un bon rythme et, après un passage par Mahuaypampa et Moray, nous arrivons à Kallcayraccay vers 12h30 pour un pique-nique bien mérité. La maman de Rolando a pensé à nous. Au menu, riz, œufs et frites, un grand classique ici.

Nous ne tardons guère et prenons la direction de notre prochaine étape, Ollantaytambo. Nous empruntons un charmant petit sentier qui nous fait sillonner le long des crêtes montagneuses. Par endroits, cependant, le passage a été coupé par de la terre et des gravats en raison de petits glissements de terrain. Il faut donc se lancer sur ce qui ne ressemble plus vraiment à un chemin et ce, à quelques centimètres à peine du précipice. Tout ce que je déteste... Mais nous pouvons difficilement rebrousser chemin. Quand il faut y aller, il faut y aller...




Je me fais la même réflexion lorsque nous rencontrons deux taureaux à l’air peu affable et aux cornes acérées. Nous tentons de les croiser au plus vite mais les deux bestiaux ne semblent pas enclins à nous simplifier la vie. Au lieu de poursuivre leur route, ils font demi-tour pour nous ouvrir le chemin. Nous marchons ainsi plus d’un kilomètre derrière les deux animaux. A ce rythme-là, nous arriverons à Ollanta non pas à trois mais à cinq. Il est grand temps de sortir notre Joker, Rolando qui est clairement plus habitué qu’Erland et moi à faire paitre le bétail. Par un petit subterfuge, il parvient à nous faire fausser compagnie à nos nouveaux camarades.



Cette petite mésaventure nous a fait perdre pendant quelques instants la notion du temps mais mine de rien, cela fait un bon moment que nous marchons. Bien évidemment, les sinueux chemins de montagnes sont rarement les plus directs mais il serait maintenant grand temps que nous amorcions notre descente vers le Valle Sagrado. Après une demi-heure de marche supplémentaire, nous nous rendons à l’évidence : le chemin que nous avons choisi se contente de contourner le sommet. Il va donc falloir improviser...

Le plus prudemment possible, nous descendons à flanc de montagne. Sous nos pieds, la terre rougeâtre à l’aspect plutôt molasse a un côté plutôt rassurant. Si nous tombons, nous ne devrions pas nous faire bien mal. Mais il faut rester vigilant car ce ne sont rien de moins que 700 mètres de dénivelé qui nous attendent. C’est tout sauf une promenade de santé et nous ne sommes pas à l’abri d’un pépin ou l’autre. Surtout quand la pluie et le vent décident de s’en mêler comme c’est le cas aujourd’hui.

A mi-chemin, je connais ma première déconvenue. Je marche sur une énorme épine qui transperce la semelle de ma chaussure. Je serre les dents et n’en dis rien aux garçons. Notre situation me semble déjà assez critique comme cela. Pas besoin d’en rajouter. Même si cela fait un mal de chien... 10 mètres plus loin, je me prends les pieds dans un trou et m’étale de tout mon long. Je ne plaints toujours pas, mais il est grand temps que je me reprenne si je veux rentrer en un seul morceau.

Notre ambitieux objectif du kilometro 82, semble à présent encore plus inaccessible. Nous n’irons probablement pas plus loin qu’Ollanta. Nous reprenons un peu confiance en voyant que nous parvenons peu à peu à rejoindre le fond de la vallée mais mieux vaut ne pas se réjouir trop vite : en dessous de nous, les énormes pilonnes électriques semblent encore tout petits.

Après une bonne heure et demie, nous finissons par « toucher terre », non sans déception. En effet, la seule façon de descendre était en allant vers Urubamba, soit en repartant vers l’arrière. Lorsque je vois apparaitre la Curba del Diablo, un virage sur la route entre Urubamba et Ollanta tristement célèbre pour ses nombreux accidents, je déchante complètement. D’en haut, j’avais déjà repéré cet endroit trois heures auparavant. Retour à la case départ... Autant dire que nous avons donc marché trois heures pour rien... Et nous sommes maintenant épuisés. Erland veut prendre un taxi pour parcourir les derniers kilomètres jusqu’à Ollanta. Moi qui, en général, mets tout en œuvre pour atteindre mes objectifs, j’ai du mal à me résigner à cette décision qui a pour moi le goût amer de l’échec. Pourtant Erland a probablement raison. La route de demain est encore longue. Pas besoin de se fatiguer inutilement.

Ce qui me tracasse surtout est que, si la distance était aujourd’hui un obstacle de taille, la définition de l’itinéraire n’aurait pas dû en être un, surtout en comparaison avec ce qui nous attend le lendemain...

Lorsque nous arrivons à Ollanta, où nous devions de toute façon passer la nuit, nous trouvons porte close. Goyo a dû partir à Puno et sa maman est allée travailler au champ. Nous décidons donc d’aller manger un bout en attendant. C’est l’occasion pour moi de me rendre compte à quel point Ollanta est « touchée » par le tourisme : il n’y a pas un seul restaurant pour les locaux et les prix sont exorbitants. Quand on sait à quel point les Péruviens ont l’habitude de sortir pour manger, on se demande vraiment comment font les gens ici.

Lorsque nous rentrons, nous sommes accueillis par la maman de Goyo qui nous annonce que le repas sera servi dans une heure. Le regard effrayé de Rolando me fait sourire. Dans les communautés, il n’est pas rare qu’on nous serve à manger presque de force. Le village de Rolando ne fait pas exception à la règle. C’est donc un peu l’arroseur arrosé. Il va comprendre ce que c’est que d’avoir à faire deux repas complets en une heure.

Mais avant cela, une petite sieste s’impose... Je partage ma chambre avec Nelly, une Liméenne de passage dans la région pour venir en apprendre un peu plus sur le tourisme rural à Cusco. Elle veut s’inspirer de l’expérience cusquénienne pour mettre en œuvre un projet de ce type sur la côte. A ce titre, elle était venue nous faire un petit coucou à notre formation en housekeeping la semaine précédente. Nelly est sympa mais un peu trop grande gueule à mon goût. Et puis elle parle sans arrêt. Ses questions m’assomment, moi qui n’ai qu’une seule envie : dormir...

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