Le 24/12/11, 6:34
-71.972222-13.525
En cette veille de Noël, une frénésie particulière s’est emparée de la ville. Et Cusco n’est pas la seule à être agitée, je le suis tout autant car la journée s’annonce longue et bien remplie. Elle commence par un passage éclair sur la Plaza de Armas où s’organise chaque 24 décembre une sorte de bazar de Noël. On y trouve de tout, des bibelots, des vêtements, de l’artisanat (dont quelques objets au design intéressant).
Mais je ne peux guère m’attarder car j’ai rendez-vous vers 10h à la Caja Mágica, le QG de Cooperarperu. Depuis plusieurs jours, en effet, avec Eduardo et ses volontaires, nous préparons un réveillon de Noël afin de récolter des jouets pour les enfants de Tankarpata et pour faire connaître le travail de l’association. L’idée est de proposer à tous les étrangers de passage à Cusco un endroit pour passer Noël en toute convivialité même s’ils sont loin de leur famille. En plus de leur participation financière au repas, chacun peut également se soumettre au petit jeu de l’ « amigo secreto ». Pour ce, il doit apporter un jouet pour un des enfants de la communauté dont nous sommes chargés de lui communiquer au préalable le nom, le sexe et l’âge. Mon amie secrète, par exemple, est la petite Flor, 13 ans.
Et la proposition semble plaire car, alors que nous voulions limiter le nombre de participants à 20, nous avons reçu plus de 40 demandes de réservation. La gestion d’une telle tablée n’est pas des plus aisées. Autant dire que je passe tout mon samedi matin à jouer les secrétaires en tentant de caser mes 20 invités de dernière minute. Peu à peu, le stress monte...
Avec Eduardo et Elena, une des volontaires espagnols arrivés il y a quelques jours, nous nous rendons ensuite au marché pour acheter les derniers articles dont nous avons besoin. Cependant, ce n’est peut-être pas le meilleur jour pour faire ses courses. Que ce soit au Molino ou sur la place Tupac Amaru, les allées des marchés sont noires de monde. J’en profite également pour acheter quelques cadeaux pour les enfants. Des figurines Spiderman pour le petit Fernando, un journal intime pour Flor. Nous finissons nos achats au « Baratillo », le fameux marché du samedi où on trouve de tout pour presque rien. Notre mission est de dégoter des chaussures pointure 36 que Luna, une autre volontaire de Cooperarperu, pourra offrir à son amie secrète. La tâche n’est pas évidente car il faut négocier ferme pour entrer dans le budget imposé de 20.- Soles par cadeau. Nous y parvenons presque en obtenant un prix de 25.- Soles pour une paire de jolies bottines bien chaudes.
Le temps de prendre une douche éclair, me voilà de retour à la Caja Mágica juste pour l’arrivée des premiers invités. La maison semble prête pour accueillir tout ce petit monde, des odeurs alléchantes s’échappent déjà de la cuisine. Je m’installe à la caisse (après 6 ans de travail dans une banque, les histoires de sous cela me connait). On peut donner son top départ à la soirée. En fait, il y a pas mal de désistements mais aussi de nombreux participants imprévus. L’un dans l’autre, nous sommes 36 convives, un résultat plus qu’honorable.
Parmi les participants, il y a notamment Raymond, un Luxembourgeois qui a étudié au Séminaire à Bastogne. Cela fait un peu bizarre de tomber, à l’autre bout du monde, sur quelqu’un qui a fait ses études dans la même petite école que vous. Lorsque je lui demande ce qui l’amène au Pérou, il me répond « le grand classique : la traversée du continent américain de l’Alaska jusqu’à Ushuaïa ». Sur le même ton blasé que lui, je réponds par un simple « Ah, oui ». Il faut croire que je fréquente trop de voyageurs, car à ce niveau peu de choses m’impressionnent à présent.
Il est déjà plus de 22h et les ventres commencent à crier famine. Seul petit hic : Eduardo veut passer une vidéo présentant le travail de l’ONG avant le repas. Mais la vidéo n’est toujours pas terminée. Il me supplie : « je t’en prie, laisse-moi encore 5 minutes ». Je cède et il tient sa promesse : 5 minutes plus tard, nous diffusons une de ces vidéos si attachantes dont Eduardo a le secret. On peut enfin passer à table pour goûter le fameux lechon de Fanny, notre cuisinière du soir. Celui-ci est accompagné des toutes aussi célèbres « papas morayas » ou Chuño blanc, des pommes-de-terres gelées, séchées puis réhydratées avant d’être cuisinées. Celles-ci ont un goût particulièrement prononcé. Au dessert, nous avons droit à l’incontournable paneton puis au Pisco Sour maison d’Eduardo.
Il est presque deux heures de matin quand je peux enfin m’assoir pour profiter des derniers invités. Mais le répit est de courte durée. C’est décidé, ce soir on sort. Notre première étape est le Washuma, un bar reggae. Drôle de lieu pour passer un réveillon. Ok, Noël est la célébration de la paix et de l’amour mais de là à se retrouver dans un endroit si « peace and love »... Nous enchainons ensuite avec l’habituel Mythology.
C’est l’occasion pour nous de passer par la Plaza de Armas et découvrir la face cachée du réveillon à la Cusquénienne. A l’occasion du grand marché de Noël qui a eu lieu dans la journée en cet endroit, de nombreuses familles paysannes sont venues en ville vendre du lichen, particulièrement prisé ici pour les décorations de Noël. En général, les parents emmènent avec eux leurs enfants dans l’espoir que des touristes leur offrent des cadeaux pour l’occasion. Souvent, ces familles ne peuvent effectuer le voyage de retour le jour-même et n’ont pas de quoi s’offrir une chambre d’hôtel. Ainsi, à la nuit venue, c’est par centaines que les arches de la Plaza de Armas accueillent ces gens qui n’ont d’autre lieu où dormir. Les voir ainsi sur leur lit de fortune à même le sol, grelottant de froid, pendant que d’autres (nous y compris) vont écumer les boites de nuit, vous fait un peu vous demander à quoi rime le fameux esprit de Noël.