Le 06/11/11, 1:19
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Malgré être rentrée au petit matin, je ne peux pas trop m’attarder au lit. J’attends une visite qui promet d’être intéressante. En effet, depuis environ une semaine, je prépare l’arrivée à Cusco de l’équipe de « The Busking Project» (www.thebuskingproject.com), soit six passionnés qui ont fait le pari fou de réaliser un documentaire sur les artistes de rue dans le monde entier. Grâce au soutien de leur producteur, Jamie Catto, qui n’est autre qu’un des membres fondateurs de Faithless et One Giant Leap, ils se sont donné dix mois pour parcourir quarante villes et cinq continents à la recherche de jongleurs, danseurs de claquettes, musiciens, charmeurs de serpents, avaleurs de sabres et autres. L’objectif de ce projet est d’analyser les différences quant aux endroits où se pratique ce genre d’art afin de mieux comprendre comment les lois, l’économie, les traditions et l’environnement peuvent influencer la liberté d’expression d’une communauté déterminée.
Ainsi, depuis quelques jours, je tente d’établir une liste de contacts pour faciliter la tâche à mes amis réalisateurs. A chaque fois que je croise un artiste en rue, je l’aborde, lui parle du projet et tente d’obtenir un numéro de téléphone. Plus les jours passent, plus je trouve cela sympa. En effet, sans ce documentaire, je n’aurais probablement jamais adressé la parole à ces gens. Cette initiative me permet de découvrir un nouvel aspect de Cusco, d’autres modes de vie aussi. Autant dire, que je suis de plus en plus excitée par le projet.
Bref, dimanche est le grand jour de l’arrivée de Mardy et ses compagnons de voyage. Nous nous sommes donné rendez-vous sur la Plaza San Francisco où Omar un jongleur-acrobate que j’ai repéré pour eux fait son show cette après-midi. A leur caméra, je repère très vite dans la foule Mardy et Gino (même si je m’attendais à du matériel un peu plus impressionnant). Même si Omar n’est pas le meilleur artiste qu’il m’ait été donné de voir, son spectacle se laisse regarder. Il faut dire que je suis bon public et que surtout le temps est magnifique. C’est la journée est idéale pour paresser sur la place, un de ces dimanches pop-corn, barbe à papa, pomme d’amour auquel s’adonnent un grand nombre de familles cusquéniennes et qui donne à la Plaza San Francisco des allures de kermesse avec ses jeux d’argent, son karaoké de rue, sa musique...
Après le spectacle, Mardy et Gino interviewent Omar et ses amis. Ce qui ressort de leurs dires est apparemment un fait commun à un grand nombre d’endroits visités par the Busking Project : presque partout, le fait de se produire dans la rue est interdit et réprimé par les forces de l’ordre qui vont jusqu’à confisquer le matériel des artistes. Ce fut notamment le cas d’un des amis d’Omar qui, pas plus tard que la veille, s’est fait retirer les objets avec lesquels il jonglait à un feu rouge. (Les feux rouges sont ici très prisés par les artistes de rue. C’est en général là qu’ils font leurs armes et qu’ils gagnent de quoi vivre.) Selon les « saltimbanques », cette chasse aux artistes serait due au fait que les municipalités préfèrent encourager la consommation plutôt que l’art dans les endroits les plus fréquentés de chaque ville. On en revient au thème de la privatisation des espaces publics d’où la culture serait bannie. Et dans ce phénomène le tourisme joue un rôle important. En effet, sur la Plaza de Armas, on préfère offrir des restaurants et des bars aux voyageurs qu’un espace de détente et de divertissement à la population locale. Cela donne à réfléchir.
C’est donc pensive que je rentre chez moi. Une fois de plus, Jae et Guru m’ont invitée à manger en leur compagnie et celle d’une de leurs amies suisses. Mais aujourd’hui pas question de se la couler douce. Mon aide est requise et je suis commise d’office à la découpe des légumes. Et comme lorsqu’ils cuisinent, Guru et Jae ne font rien à moitié, la préparation du repas dure plus d’une heure. Au final, il y a de quoi nourrir un régiment. Nous avons droit à un plat de chaque pays : la Suisse, l’Inde et la Corée du Sud. La Belgique passe son tour... Enfin, j’ai quand même apporté un dessert. La soirée se déroule de façon tout aussi tranquille qu’agréablement. Evidemment, cela parle surtout voyage...