Petit bonhomme de chemin

Jour 84

Le 23/09/11, 3:18

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De bonne heure, nous nous mettons en route pour Urubamba où nous devons passer prendre Goyo. Une arrivée matinale à Urubamba suppose évidemment un passage par le marché pour un petit déjeuner. C’est presque devenu une tradition. En retournant à la voiture, nous remarquons qu’un défilé se prépare. Encore un... La particularité de celui-ci est que seuls les enfants y participent. En effet, quelques jours après le 21 septembre, qui correspond ici au premier jour du printemps, on célèbre la fiesta de la juventud (la fête de la jeunesse). A cette occasion, les écoliers prennent part à un cortège ou à des activités récréatives. Les étudiants, eux, se consacrent à ce que beaucoup d’entre eux savent mieux faire, picoler.



Mais nous ne pouvons pas trop nous attarder. Notre programme de la journée est relativement chargé. Aujourd’hui, nous repérons des endroits pour organiser la pasantía de nos bénéficiaires. La pasantía n’est autre qu’une excursion organisée pour des étudiants en fin de formation. C’est un élément de motivation particulièrement important qu’on ne peut négliger. Les participants à notre projet ne parlent déjà que de cela. Seul petit hic, ils pensent que nous allons les emmener à Puno à presque 400 km d’ici alors que nous voulons nous contenter du Valle Sagrado, à 40 km de Cusco.

Notre premier arrêt se fait dans les environs de Pisac, dans un petit village qui vient à peine de se lancer dans l’activité touristique. Tout est fin prêt. Les habitants ont reçu une formation et les maisons ont été embellies. Tout, ou presque, a été fait avec les moyens du bord et c’est plutôt réussi. Le cadre des lits des visiteurs, par exemple, a été fait en un mélange de terre et de ciment. Lorsque j’en demande aux garçons le principal avantage, Goyo me répond qu’il s’agit d’un matériau local et peu onéreux. Mais aux yeux d’Erland l’avantage est autre : ce genre de lit, quoi que tu y fasses, ne grince jamais. Comme quoi, tout est une question de point de vue... Il y a aussi un atelier de bijouterie en argile prévu pour les visiteurs. La seule chose qui manque maintenant sont les touristes. La question du flux est tout sauf un détail insignifiant. Dans notre projet, nous allons devoir nous atteler sérieusement.








Nous prenons ensuite le chemin du Parque de la papa (le parc de la pomme-de-terre), une aire dédiée à la conservation de variétés indigènes de pommes-de-terre andines. Mais nous trouvons porte close car nous avons omis d’aviser de notre visite l’ONG qui gère le site. En effet, même si la publicité du parc vante l’implication de 6 communautés quechuas dans cette initiative, il est clair que c’est l’ONG qui a la main mise sur le projet. Les quelques villageoises qui travaillent sur place à empaqueter du mate de coca sont de la simple main d’œuvre. C’est l’ONG qui décide de tout. Ce petit détail n’a pas échappé à Goyo qui enfonce le clou en m’expliquant qu’il a vu à plusieurs reprises des ONG qui refusaient de se désengager d’un projet et de laisser les rennes à la communauté locale parce que l’initiative touristique s’était finalement révélée particulièrement rentable.

Goyo est le président d’un réseau local de tourisme rural. Ce réseau regroupe des particuliers qui se sont lancés de leur propre chef dans le tourisme rural. Il n’y a donc aucun apport de fonds extérieurs et l’organisation est 100% autochtone. L’organisation encourage l’utilisation de matériaux locaux et priorise l’amélioration des conditions de vie sur le développement de l’activité économique. En gros, l’association invite ses membres à améliorer leur maison d’abord pour accroitre leur propre confort avant de penser à la réception de touristes. Le premier projet que nous avons visité en est un bon exemple. Il n’y a pas de touriste mais la maison a déjà été remise à neuf. Le partage avec le visiteur est aussi mis en avant. Contrairement à ce que nous avions vu à Misminay où les vacanciers mangent à table et la famille hôte dans un recoin de la cuisine, tous les membres de l’organisme partagent leur repas avec les voyageurs de passage chez eux. Evidemment, Goyo prêche pour sa chapelle. Mais je trouve la démarche du réseau bien meilleure que certains projets d’ONG portés à ma connaissance. Et puis, il me semble vraiment intéressant que les membres se soient organisés sans chercher aucun appui étranger.

Après avoir visité d’autres gîtes ruraux à Lamay et Chumpe et après un obligatoire arrêt « ravitaillement » à Urubamba, nous nous rendons à Ollantaytambo pour visiter le musée de la biodiversité. Une fois de plus, il s’agit d’une initiative privée lancée par une jeune dame, Anabel, et son compagnon. Evidemment, la pomme-de-terre native est la star de l’exposition mais on ne parle pas que de tubercules. Il y a toute une section consacrée aux offrandes à la Pacha Mama. De fait, faire une offrande n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Il s’agit d’un art très codifiée. Le don varie en fonction des bienfaits que l’on veut recevoir. Ainsi, si l’on veut que la mère terre favorise les récoltes, l’offrande emballée dans un paquet cadeau que l’on brûlera sur un bûcher contiendra de nombreuses feuilles de coca. S’il s’agit par contre d’apporter prospérité à une nouvelle entreprise commerciale, on y glissera quelques billets. La visite se termine par un petit mate de muña (la menthe andine) dans une cuisine cusquénienne traditionnelle reconstitué dans le fond du musée. Il commence à se faire tard et la température est tombée, un thé bien chaud n’est pas de refus.

Comme Goyo vit à deux pas du musée, il nous propose de venir prendre un dernier café chez lui avant de prendre le chemin du retour. C’est l’occasion de rencontrer sa maman. Ce qui étonne Erland, c’est l’âge de cette dame qu’il imaginait bien moins jeune. Ce qui me frappe, moi, c’est son caractère et son énergie entièrement dévouée au tourisme viventiel et à l’artisanat. Elle ne parle que de cela. Pas étonnant que Goyo soit devenu le président d’un réseau de tourisme rural. Il a dû tomber dedans quand il était petit. Le seul moment où la maîtresse de maison change de sujet de conversation c’est pour me demander si je suis célibataire. Ah, les mamans et leur fiston, toutes les mêmes... Je réponds que oui mais que je ne sais pas peler la papa de la suegra. C’est un truc que je viens d’apprendre au musée. Traditionnellement, lorsqu’une jeune fille voulait se marier, elle devait se soumettre à cette épreuve et peler une pomme-de-terre complètement difforme appelée papa de la suegra (pomme-de-terre de la belle-mère) en veillant à ne faire qu’une seule pelure qu’elle devait ensuite remettre à sa future belle-mère. Goyo rétorque que c’est juste une question d’entrainement et que je peux y arriver. Il ne sait pas à quel point mon cas est désespéré. Et puis, qui a dit que je voulais me marier ? Ils vont me lâcher les baskets tous ces apprentis agents matrimoniaux péruviens...

Il est grand temps de se remettre en route. Nous avons encore près d’une heure et demie de trajet. Je viens de recevoir un appel de Juan qui s’inquiétait de ne pas me voir rentrer. En fait, il sera plus de 21h lorsque nous arriverons à Sta Ana. C’est ce qu’on appelle une bonne journée de travail.

[ Voir les photos : Pérou - Cusco ]

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