Le 10/09/11, 0:19
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Nous sommes attendus à 9h00 à Maras pour une nouvelle séance de révision des diagnostics des communautés bénéficiaires de notre projet. Cette fois, nous décidons de travailler en ateliers pour être plus efficaces. Une fois de plus, je suis agréablement surprise par les participants du programme. Les communautés s’entraident pour mener à bien leurs tâches. C’est très positif car, étant donné que nous cherchons à travailler en réseau, une bonne entente intercommunautaire est un must. Je passe de table en table pour profiter des échanges dans les différents groupes de travail. C’est ainsi que j’apprends que le thème du cycle de l’eau est complétement ignoré dans les écoles ici. En effet, Buenaventura, qui est un fervent défenseur de l’environnement, tente d’expliquer aux jeunes de sa communauté comment se forment les nappes phréatiques et l’importance de la lutte contre l’érosion. Aussi inouï que cela puisse paraitre, les jeunes ne savaient pas d’où provient l’eau de leurs sources et pensaient qu’il y a avait une sorte de « fabrique d’eau dans la terre ». Si on ne leur donne pas la formation la plus élémentaire en matière d’environnement, il n’est guère étonnant que les communautés soient souvent hermétiques à toute sensibilisation à un comportement plus éco-responsable.
Ce soir encore, je suis de sortie. J’assiste à mon premier festival rock made in Peru. Je suis accompagnée de quelques autres Couch Surfers. Une fois de plus, nous formons un groupe bien hétérogène : trois Péruviens, une Vénézuélienne, un Américain, un Italien et moi, la petite Belge.
Evidemment, je ne connais aucun des groupes qui jouent ce soir. Je suis là surtout par curiosité. Un festival rock à la péruvienne, je me demande bien ce que cela peut donner. L’évènement a lieu au Jardin de la Cerveza, le jardin de la bière. C’est d’un poétique... En fait, le lieu appartient à la société brassicole La Cusqueña. D’où la référence à la bière. Le site n’a rien à envier à la plupart des scènes en plein air européennes. C’est immense, il y a des écrans géants partout. La fosse est divisée en trois zones : la générale qui s’arrête a environ 15 mètres de la scène, une zone intermédiaire qui s’arrête 10 mètres plus loin et la zone VIP qui aboutit aux pieds des artistes. A mes yeux, le fait d’avoir trois aires distinctement séparés casse un peu l’ambiance.
Lorsque nous arrivons, Daniel F., un chanteur liméen est déjà sur scène. Enfin, "chanteur", c’est peut-être un grand mot car j’ai l’impression qu’il parle plus entre les morceaux qu’il ne chante vraiment. Il est ensuite suivi par deux autres groupes liméens, Amén et Rio. Carlos m’explique que ces formations ne sont pas vraiment de nouvelle génération. J’aurais pu le deviner toute seule, cela s’entend. Je n’ai donc aucun scrupule à quitter ma place en plein concert pour aller aux toilettes avec les filles (comme quoi cela c’est international, partout dans le monde les filles se rendent au petit coin à plusieurs). Cela nous permet d’assister à la mini-émeute que provoque l’arrivée de la tête d’affiche du soir, Calle 13. Plus d’une centaine de jeunes filles se ruent vers eux à leur descente de voiture. Ils n’ont d’autre solution que de se réfugier à leur tour dans les toilettes.
Après la prestation de Rio, je ne suis toujours pas convaincue par le rock péruvien. Et je ne m’attends pas à être éblouie par Calle 13 qui, pour moi, est un OVNI Reggaeton dans cette programmation. A tort. Calle 13, c’est du lourd. Dès les premières notes, on se rend compte qu’on affaire à un groupe d’une autre carrure que les précédents. Ils mettent le feu en quelques secondes. Sur scène, ils sont au moins dix et font le show. Leurs rythmes expérimentaux, un mélange éclectique particulièrement réussi de divers genres (hip-hop, funk, tango, salsa, jazz, bossanova, etc.) et d’instruments non-conventionnels, leur permettent de se distinguer du reste de la vague reggaeton. Partisans du mouvement pour l’indépendance portoricaine, ils scandent des textes engagés et manipulent le sarcasme avec brio. L’esthétique visuelle est également soignée à travers les clips vidéo qui accompagnent chaque chanson. La foule est en délire.
Le moment phare du concert est pour moi l’interprétation du morceau « Latinoamerica » en duo avec la chanteuse afro-péruvienne et actuelle ministre de la culture, Susana Baca. Sur l’écran défilent de magnifiques paysages péruviens et dans ma tête résonne cette phrase « Soy América latina, un pueblo sin piernas pero que camina » (Je suis l’Amérique latine, un peuple sans jambe mais en marche). Le concert se termine par le tant attendu « Atrevete te te » suivi d’un rappel et d’un feu d’artifice.
Il est l’heure de rentrer. Je suis congelée et fatiguée. Nous faisons une partie du trajet à pied. Jamais l’Avenida del Sol ne m’a parue aussi longue. Mais je ne suis pas au bout de mes peines. Sur la Plaza de Armas, il faut se battre pour trouver un taxi. Et évidemment, comme la demande augmente, les prix explosent. C’est la galère. Lorsque je rentre enfin chez moi, il est plus de trois heures du matin.