Le 07/01/14, 16:50
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Re-belote, lever aux aurores. 4h00. J'ai commandé un bajaj (tuktuk) la veille pour 4h30 en bas de l'hôtel. Je vais enfin prendre une douche... Toujours pas. Bon, heureusement que je ne transpire pas des masses, et que je fais une toilette régulière, mais j'ai besoin d'une bonne douche, là, vraiment... Chaude, ça serait l'extase. Mais ça risque de ne pas arriver tout de suite.
Je finis de plier mon sac et descends à la réception... Je laisse la clé et j'attends mon "taxi". 5 minutes, 10 minutes. Je l'appelle, son portable est éteint. Tant pis pour lui, j'en arrête un autre. Bien entendu, il y a un petit temps de latence pour discuter le prix à payer comme je suis un Farenji, mais au final, j'arrive à un prix moins élevé que celui que j'aurais dû payer...
Arrivé à la gare routière, le portail est fermé, et il fait même assez froid. Seul devant la grille, un japonais, qui commence la conversation. Il fait le tour du monde (encore un...) et est parti du Cap en Afrique du Sud il y a 2 mois! Rapide, le jap...! Il part en direction du Soudan par la suite, puis Égypte, Moyen-Orient, Turquie, Europe, etc... Je lui laisse mes coordonnées, au cas où je puisse lui rendre service dans quelques mois.
Je décide de sortir mon duvet, il fait de même, nous sommes tous les deux assis sur nos sacs à dos emmitouflés dans nos sacs de couchage. Le devant de la grille se remplit peu à peu, mais il n'y a pas foule non plus. À travers le portail, la gare routière ne paraît pas non plus remplie d'autobus. Voire même il n'y en a pas...
Un local vient nous parler. Il s'appelle Harnet et il est étudiant à Axoum mais rentre voir sa famille pour les fêtes à Mekele.
Les fêtes? Ah mais oui, aujourd'hui c'est le Noël orthodoxe!
"Melkeb Gen'na" lui lance-je
Tout le monde autour éclate de rire, puis me remercie solennellement.
Le portail s'ouvre et la cohue habituelle vers les autobus n'a pas lieu puisqu'il n'y a pas grand monde.
Je salue mon japonais qui part en direction de Shire, Harnet et moi allons trouver notre bus pour Mekele.
Et en fait il n'y en a pas. Juste des minibus. Ça va aller certes plus vite, mais ce sera beaucoup moins confortable puisqu'on sera, comme d'habitude, plus de passagers que de places assises.
Harnet et moi nous installons côte à côte, maintenant que nous sommes assis et immobiles, il fait vraiment froid. Je déplie mon duvet sur nous deux. Il est ravi et me remercie. Il est 6h30 lorsque le minibus part de la gare routière d'Axoum, j'ai bien fait de le lever à 4h... Je m'endors avant même d'avoir vu la sortie de la ville...
Harnet me réveille un peu plus tard, avant Adigrat, une ville croisement.
J'ai l'impression d'avoir dormi 10 minutes, et pourtant, on a fait plus d'une centaine de kilomètres.
Comme c'est Noël et qu'il n'y a pas de bus, il va falloir changer de minibus à Adigrat. Les minibus sont "restreints" à des trajets de moins de 150 km, alors que les bus peuvent couvrir des trajets beaucoup plus longs.
La fin du parcours jusqu'à Adigrat est pour le moins folklorique. Je fais l'intermédiaire entre le chauffeur, devant moi, qui me fait passer des sacs plastiques pour que le couple derrière moi fasse vomir proprement leur petit. Sympa. Ça dure un bon quart d'heure, j'ai l'impression qu'il me vomit dans l'oreille...
Arrivée à Adigrat. Harnet me dit de me préparer à bondir. Dès que la porte du minibus s'ouvre, Harnet et moi fonçons vers un autre minibus duquel un jeune crie "Mekele! Mekele!..." Nous obtenons deux places assises au fond, sitôt que j'ai laissé mon pull et mon petit sac à dos sur mon siège, je demande à Harnet de le surveiller, et je cours dans la direction opposée.
Je vais chercher mon gros sac à dos, resté sur le toit du premier minibus, pour le ramener sur le toit de notre prochain véhicule...
Le tout est bien amarré sur le toit, le mec me demande des sous, je lui réponds en amharique et lui dit que ce n'est pas parce que je suis un Farenji que l'argent abonde dans mes poches. Il en rigole. Très bien, ça veut dire que je ne paierais pas...
Le minibus repart en direction de Mekele, nous commençons à un peu plus discuter avec Harnet quand je sens de nouveau la fatigue arriver. Je lui demande de m'excuser, il me dit "Chigréélam", nous aurons tout le temps de discuter arrivés à Mekele.
Il me réveille une vingtaine de kilomètres avant la ville, nous sommes en train de descendre à flanc de colline pour arriver dans une vaste plaine d'où surgit la capitale du Tigré, qui fut aussi la capitale du royaume de Yohannes IV, au XIXème siècle.
J'appelle alors Mickie pour lui dire que je suis sur le point d'arriver. Je suis épuisé, j'ai l'impression qu'il est 15h, en fait il n'est même pas midi.
Arrivé à la gare routière, Harnet décide d'attendre avec moi. Mickie ne répond plus au téléphone, étrange.
Harnet et moi partageons plein de choses en buvant un café.
Enfin, Mickie me rappelle, il était sous la douche. Il m'explique comment venir chez lui.
Harnet insiste pour me payer le café (je suis le touriste, donc l'invité...) et tient même à m'accompagner jusqu'à chez Mickie.
Nous montons dans un tuktuk dans lequel, bien évidemment, il faut négocier le prix. Un Farenji à bord fait aisément tripler le prix par rapport à un local.
"Non mais c'est Noël, c'est jour de fête, c'est plus cher, c'est normal" ose-t-il se justifier... Harnet sort de ses gonds et finalement le tuktuk démarre.
"Ne t'inquiète pas, on aura le prix normal" me murmure Harnet.
Arrivés à destination devant le Hamora Hôtel, un petit Fanta Ananas le temps que Mickie ne débarque, en fait il habite juste en face de la terrasse où je suis assis seul, puisque Harnet m'a laissé pour rejoindre sa famille en ce jour de fête.
J'avais oublié que c'était Noël... Et moi qui m'incruste dans la famille de Mickie...
La famille m'est présentée, j'ai le droit a des "Welcome" dans tous les sens, le père, la mère, la sœur, l'autre sœur, le mari de la sœur, les amis de Mickie qui habitent dans le même bâtiment... Je n'ai à peine le temps de poser mon sac dans la chambre de Mickie (nous allons partager son lit) que sa maman m'attrape par le poignet et me tire jusqu'à la table pour prendre le repas. Le repas de Noël orthodoxe, donc... Je me sens un peu mal à l'aise puisque la plus jeune des sœurs mange sur le canapé, et non pas autour de la table, puisqu'on m'y a assis à sa place...
Le repas n'est pas "exceptionnel" en soi, mais il y a de la nourriture en profusion. La mère de Mickie me ressert, même si je lui dit que je suis "mulu" ("plein")ou alors "beka, amaségnalo" ("assez, merci!").
Ici, on décide de me gaver comme une oie. Je me demande si je paraît vraiment si maigre, ou si c'est la coutume qui veuille qu'on engraisse les invités, en tout cas je n'arrête pas de manger. Souvent la même chose, certes, mais en quantité.
À la fin du repas, on me propose un verre de tela, l'alcool maison, qui ressemble au tedj (alcool à bas d'hydromel que j'avais goûté avec Sammy et Ashew à Addis) mais en beaucoup plus léger, comme une bière. Celui-là, je suis sur qu'il soit fait maison, il y a des particules en suspension dans mon verre, et je n'ose pas à demander à Mickie ce que c'est. Je m'exécute.
Et après la nourriture, l'alcool. La chef de famille veut maintenant me faire boire de l'araki. En mémoire de mon expérience chez Highlove à Bahar Dar, je décline poliment, je serais plutôt partant pour un buna (café).
Nous montons sur le toit (terrasse) avec Mickie et commençons à discuter. Je lui évoque ma récente passion pour ce pays et mon envie de découverte du peuple éthiopien et de sa culture...
Mickie m'apprend alors énormément de choses...
Par exemple, la cérémonie du buna comporte 3 étapes que, normalement, l'invité doit respecter: Awol, Tauna puis Bereka. Le café est donc filtré 3 fois, il est de moins en moins fort. Mais juste avec la première dose, généralement, ça suffit bien assez...
Il m'apprend aussi pourquoi le calendrier éthiopien est décalé de quelques années. Ici, nous sommes en 2006.
Pourquoi...?
Et bien parce que quand la naissance du Christ aurait été annoncée, l'empereur (ou le roi) éthiopien de l'époque était quelqu'un de difficilement influençable. Il décida donc d'envoyer des "messagers officiels" en direction de Bethléem pour s'en assurer. Lorsque les messagers revinrent avec la confirmation que le fils de Dieu était bien né, le roi décida alors de commencer la nouvelle ère à leur retour. Soit 8 ans et 8 jours après la naissance du Christ... Le temps de leur aller-retour.
Ou alors, pourquoi y a-t-il des posters dans tous les offices de tourisme avec ce slogan "Ethiopia: 13 months of Sunshine"...? C'est sacrément accrocheur au niveau commercial, mais pourquoi...?
En fait il y a bien 13 mois dans le calendrier éthiopien. 12 mois de 30 jours chacun, et un treizième mois ("bakumen") de 5 ou 6 jours, suivant les années bissextiles, ce qui fait bien le compte "normal" de jours par rapport à notre calendrier.
Le mois de bakumen (ou plutôt la semaine) célèbre la fin de l'année passée, et l'entrée dans la suivante. D'ordinaire, des rituels ont lieu où le population de vêtît de blanc et s'immerge dans les rivières afin de se purifier de l'année précédente, et de rentrer dans la nouvelle de façon "propre".
Sauf que même le jour de l'an est décalé, j'ai cru comprendre que c'était en octobre, mais je ne suis pas sur de la date exacte.
Ajoutez à ça le fait que les heures sont toutes décalées de six heures, dans un sens comme dans l'autre (à 7h du matin, il est 1h en Éthiopie, ou alors à 20h, il est 2h heure locale...)
...
Bref, j'ai essayé de comprendre le calendrier éthiopien...
Nous rejoignons les amis de Mickie qui habitent dans le même bâtiment. En fait les parents de Mickie sont propriétaires de "l'immeuble", et louent à prix réduit une pièce dans laquelle vivent les 2 collègues.
La pièce ne fait guère plus de 9 mètres carrés, avec un matelas double, une "commode", une étagère, un coin cuisine assez sommaire et des réserves d'eau. Une porte et une lucarne comme fenêtre...
Mes deux nouveaux amis (John et Leul) me proposent de mâcher du Khat, je décline encore l'invitation mais j'opte pour un thé, parce que le précédent café de maman m'a bien levé comme il fallait...
On reste un moment à papoter dans cette pièce sombre (il faut dire un peu glauque aussi, avec les 2 amis défoncés à mâcher de l'herbe et la fumée du feu pour me faire l'eau...), Mickie est souvent obligé de faire la traduction, John et Leul ne comprenant pas tout en anglais.
Ensuite, Mickie et moi sortons enfin "en ville". Il est bien tard dans l'après-midi...
Mekele est donc la capitale de la région du Tigré, au niveau administratif, mais aussi le point de départ vers la région du désert du Danakil et de la dépression de Dallol, certainement le paysage le plus incroyable sur cette planète, un désert de sel et de souffre aux couleurs variés, où vit le peuple Hafar.
Donc de nombreux touristes passent par Mekele avant de filer vers l'ouest et cette région magique.
Malheureusement ce ne sera pas pour moi. Pas cette fois. Ça coûte relativement cher et demande un tant soit peu d'organisation en amont.
Du coup, cet afflux de touristes fait que le construction de complexes hôteliers de luxe fleurit ici.
Mickie pense que c'est une mauvaise chose, je pense le contraire car la ville est grandement touchée par le chômage, à cause des investisseurs chinois qui monopolisent le travail avec leur propre main d'œuvre (chinoise)...
Harnet (mon ami du bus) m'appelle alors pour venir boire le café chez lui et sa famille. Je lui dis que ça sera difficile aujourd'hui, mais il y a des chances que je reste demain. Je le rappellerais...
Nous faisons un tour en ville et au détour d'une rue, un monticule de peaux de moutons (peut être un bon mètre cinquante de haut...) la tradition du Noël orthodoxe...
Nous faisons une pause dans un café où il a l'habitude d'aller, il y a du wifi, je relève mes mails.
La nuit tombe, nous retournons chez lui puisqu'il fait frais et nous emmenons John et Leul avec nous pour boire un coup.
On entre dans un premier bar (musique au delà des 110 dB, pour changer...) et nous commençons à danser et chanter. Encore une fois, tout le monde rigole et sourit de voir un Farenji dans un bar comme celui-ci, danser, mais encore connaître les paroles de refrains de certaines chansons. J'adore. Je me marre.
Finalement on change d'endroit pour aller dans un club un peu plus loin, bondé, de filles surtout, qui ne doivent pas être là juste pour danser. J'en ai même la confirmation un peu plus tard puisqu'on me propose "la totale" pour 400 birhs (35 euros...???)...
Sans façon.
"Bien vrai...!" comme on dit...
Mickie et moi rentrons chez lui, fatigué de tout ce monde. John et Leul restent sur place, nous les verrons demain, puisque j'ai finalement décidé de rester une journée de plus ici, la route jusqu'à Lalibela, ma prochaine étape, étant longue, je ne veux pas enchaîner les journées de bus comme je l'avais fait il y a 2 ans...
Nous rentrons dans sa chambre, il est un peu pompette, j'espère qu'il ne va pas s'endormir en premier car il pourrait ronfler à moins de 30 cm de mon oreille, vu la proximité que nous allons avoir tous les deux cette nuit...
zZzZzZz...
Je finis de plier mon sac et descends à la réception... Je laisse la clé et j'attends mon "taxi". 5 minutes, 10 minutes. Je l'appelle, son portable est éteint. Tant pis pour lui, j'en arrête un autre. Bien entendu, il y a un petit temps de latence pour discuter le prix à payer comme je suis un Farenji, mais au final, j'arrive à un prix moins élevé que celui que j'aurais dû payer...
Arrivé à la gare routière, le portail est fermé, et il fait même assez froid. Seul devant la grille, un japonais, qui commence la conversation. Il fait le tour du monde (encore un...) et est parti du Cap en Afrique du Sud il y a 2 mois! Rapide, le jap...! Il part en direction du Soudan par la suite, puis Égypte, Moyen-Orient, Turquie, Europe, etc... Je lui laisse mes coordonnées, au cas où je puisse lui rendre service dans quelques mois.
Je décide de sortir mon duvet, il fait de même, nous sommes tous les deux assis sur nos sacs à dos emmitouflés dans nos sacs de couchage. Le devant de la grille se remplit peu à peu, mais il n'y a pas foule non plus. À travers le portail, la gare routière ne paraît pas non plus remplie d'autobus. Voire même il n'y en a pas...
Un local vient nous parler. Il s'appelle Harnet et il est étudiant à Axoum mais rentre voir sa famille pour les fêtes à Mekele.
Les fêtes? Ah mais oui, aujourd'hui c'est le Noël orthodoxe!
"Melkeb Gen'na" lui lance-je
Tout le monde autour éclate de rire, puis me remercie solennellement.
Le portail s'ouvre et la cohue habituelle vers les autobus n'a pas lieu puisqu'il n'y a pas grand monde.
Je salue mon japonais qui part en direction de Shire, Harnet et moi allons trouver notre bus pour Mekele.
Et en fait il n'y en a pas. Juste des minibus. Ça va aller certes plus vite, mais ce sera beaucoup moins confortable puisqu'on sera, comme d'habitude, plus de passagers que de places assises.
Harnet et moi nous installons côte à côte, maintenant que nous sommes assis et immobiles, il fait vraiment froid. Je déplie mon duvet sur nous deux. Il est ravi et me remercie. Il est 6h30 lorsque le minibus part de la gare routière d'Axoum, j'ai bien fait de le lever à 4h... Je m'endors avant même d'avoir vu la sortie de la ville...
Harnet me réveille un peu plus tard, avant Adigrat, une ville croisement.
J'ai l'impression d'avoir dormi 10 minutes, et pourtant, on a fait plus d'une centaine de kilomètres.
Comme c'est Noël et qu'il n'y a pas de bus, il va falloir changer de minibus à Adigrat. Les minibus sont "restreints" à des trajets de moins de 150 km, alors que les bus peuvent couvrir des trajets beaucoup plus longs.
La fin du parcours jusqu'à Adigrat est pour le moins folklorique. Je fais l'intermédiaire entre le chauffeur, devant moi, qui me fait passer des sacs plastiques pour que le couple derrière moi fasse vomir proprement leur petit. Sympa. Ça dure un bon quart d'heure, j'ai l'impression qu'il me vomit dans l'oreille...
Arrivée à Adigrat. Harnet me dit de me préparer à bondir. Dès que la porte du minibus s'ouvre, Harnet et moi fonçons vers un autre minibus duquel un jeune crie "Mekele! Mekele!..." Nous obtenons deux places assises au fond, sitôt que j'ai laissé mon pull et mon petit sac à dos sur mon siège, je demande à Harnet de le surveiller, et je cours dans la direction opposée.
Je vais chercher mon gros sac à dos, resté sur le toit du premier minibus, pour le ramener sur le toit de notre prochain véhicule...
Le tout est bien amarré sur le toit, le mec me demande des sous, je lui réponds en amharique et lui dit que ce n'est pas parce que je suis un Farenji que l'argent abonde dans mes poches. Il en rigole. Très bien, ça veut dire que je ne paierais pas...
Le minibus repart en direction de Mekele, nous commençons à un peu plus discuter avec Harnet quand je sens de nouveau la fatigue arriver. Je lui demande de m'excuser, il me dit "Chigréélam", nous aurons tout le temps de discuter arrivés à Mekele.
Il me réveille une vingtaine de kilomètres avant la ville, nous sommes en train de descendre à flanc de colline pour arriver dans une vaste plaine d'où surgit la capitale du Tigré, qui fut aussi la capitale du royaume de Yohannes IV, au XIXème siècle.
J'appelle alors Mickie pour lui dire que je suis sur le point d'arriver. Je suis épuisé, j'ai l'impression qu'il est 15h, en fait il n'est même pas midi.
Arrivé à la gare routière, Harnet décide d'attendre avec moi. Mickie ne répond plus au téléphone, étrange.
Harnet et moi partageons plein de choses en buvant un café.
Enfin, Mickie me rappelle, il était sous la douche. Il m'explique comment venir chez lui.
Harnet insiste pour me payer le café (je suis le touriste, donc l'invité...) et tient même à m'accompagner jusqu'à chez Mickie.
Nous montons dans un tuktuk dans lequel, bien évidemment, il faut négocier le prix. Un Farenji à bord fait aisément tripler le prix par rapport à un local.
"Non mais c'est Noël, c'est jour de fête, c'est plus cher, c'est normal" ose-t-il se justifier... Harnet sort de ses gonds et finalement le tuktuk démarre.
"Ne t'inquiète pas, on aura le prix normal" me murmure Harnet.
Arrivés à destination devant le Hamora Hôtel, un petit Fanta Ananas le temps que Mickie ne débarque, en fait il habite juste en face de la terrasse où je suis assis seul, puisque Harnet m'a laissé pour rejoindre sa famille en ce jour de fête.
J'avais oublié que c'était Noël... Et moi qui m'incruste dans la famille de Mickie...
La famille m'est présentée, j'ai le droit a des "Welcome" dans tous les sens, le père, la mère, la sœur, l'autre sœur, le mari de la sœur, les amis de Mickie qui habitent dans le même bâtiment... Je n'ai à peine le temps de poser mon sac dans la chambre de Mickie (nous allons partager son lit) que sa maman m'attrape par le poignet et me tire jusqu'à la table pour prendre le repas. Le repas de Noël orthodoxe, donc... Je me sens un peu mal à l'aise puisque la plus jeune des sœurs mange sur le canapé, et non pas autour de la table, puisqu'on m'y a assis à sa place...
Le repas n'est pas "exceptionnel" en soi, mais il y a de la nourriture en profusion. La mère de Mickie me ressert, même si je lui dit que je suis "mulu" ("plein")ou alors "beka, amaségnalo" ("assez, merci!").
Ici, on décide de me gaver comme une oie. Je me demande si je paraît vraiment si maigre, ou si c'est la coutume qui veuille qu'on engraisse les invités, en tout cas je n'arrête pas de manger. Souvent la même chose, certes, mais en quantité.
À la fin du repas, on me propose un verre de tela, l'alcool maison, qui ressemble au tedj (alcool à bas d'hydromel que j'avais goûté avec Sammy et Ashew à Addis) mais en beaucoup plus léger, comme une bière. Celui-là, je suis sur qu'il soit fait maison, il y a des particules en suspension dans mon verre, et je n'ose pas à demander à Mickie ce que c'est. Je m'exécute.
Et après la nourriture, l'alcool. La chef de famille veut maintenant me faire boire de l'araki. En mémoire de mon expérience chez Highlove à Bahar Dar, je décline poliment, je serais plutôt partant pour un buna (café).
Nous montons sur le toit (terrasse) avec Mickie et commençons à discuter. Je lui évoque ma récente passion pour ce pays et mon envie de découverte du peuple éthiopien et de sa culture...
Mickie m'apprend alors énormément de choses...
Par exemple, la cérémonie du buna comporte 3 étapes que, normalement, l'invité doit respecter: Awol, Tauna puis Bereka. Le café est donc filtré 3 fois, il est de moins en moins fort. Mais juste avec la première dose, généralement, ça suffit bien assez...
Il m'apprend aussi pourquoi le calendrier éthiopien est décalé de quelques années. Ici, nous sommes en 2006.
Pourquoi...?
Et bien parce que quand la naissance du Christ aurait été annoncée, l'empereur (ou le roi) éthiopien de l'époque était quelqu'un de difficilement influençable. Il décida donc d'envoyer des "messagers officiels" en direction de Bethléem pour s'en assurer. Lorsque les messagers revinrent avec la confirmation que le fils de Dieu était bien né, le roi décida alors de commencer la nouvelle ère à leur retour. Soit 8 ans et 8 jours après la naissance du Christ... Le temps de leur aller-retour.
Ou alors, pourquoi y a-t-il des posters dans tous les offices de tourisme avec ce slogan "Ethiopia: 13 months of Sunshine"...? C'est sacrément accrocheur au niveau commercial, mais pourquoi...?
En fait il y a bien 13 mois dans le calendrier éthiopien. 12 mois de 30 jours chacun, et un treizième mois ("bakumen") de 5 ou 6 jours, suivant les années bissextiles, ce qui fait bien le compte "normal" de jours par rapport à notre calendrier.
Le mois de bakumen (ou plutôt la semaine) célèbre la fin de l'année passée, et l'entrée dans la suivante. D'ordinaire, des rituels ont lieu où le population de vêtît de blanc et s'immerge dans les rivières afin de se purifier de l'année précédente, et de rentrer dans la nouvelle de façon "propre".
Sauf que même le jour de l'an est décalé, j'ai cru comprendre que c'était en octobre, mais je ne suis pas sur de la date exacte.
Ajoutez à ça le fait que les heures sont toutes décalées de six heures, dans un sens comme dans l'autre (à 7h du matin, il est 1h en Éthiopie, ou alors à 20h, il est 2h heure locale...)
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Bref, j'ai essayé de comprendre le calendrier éthiopien...
Nous rejoignons les amis de Mickie qui habitent dans le même bâtiment. En fait les parents de Mickie sont propriétaires de "l'immeuble", et louent à prix réduit une pièce dans laquelle vivent les 2 collègues.
La pièce ne fait guère plus de 9 mètres carrés, avec un matelas double, une "commode", une étagère, un coin cuisine assez sommaire et des réserves d'eau. Une porte et une lucarne comme fenêtre...
Mes deux nouveaux amis (John et Leul) me proposent de mâcher du Khat, je décline encore l'invitation mais j'opte pour un thé, parce que le précédent café de maman m'a bien levé comme il fallait...
On reste un moment à papoter dans cette pièce sombre (il faut dire un peu glauque aussi, avec les 2 amis défoncés à mâcher de l'herbe et la fumée du feu pour me faire l'eau...), Mickie est souvent obligé de faire la traduction, John et Leul ne comprenant pas tout en anglais.
Ensuite, Mickie et moi sortons enfin "en ville". Il est bien tard dans l'après-midi...
Mekele est donc la capitale de la région du Tigré, au niveau administratif, mais aussi le point de départ vers la région du désert du Danakil et de la dépression de Dallol, certainement le paysage le plus incroyable sur cette planète, un désert de sel et de souffre aux couleurs variés, où vit le peuple Hafar.
Donc de nombreux touristes passent par Mekele avant de filer vers l'ouest et cette région magique.
Malheureusement ce ne sera pas pour moi. Pas cette fois. Ça coûte relativement cher et demande un tant soit peu d'organisation en amont.
Du coup, cet afflux de touristes fait que le construction de complexes hôteliers de luxe fleurit ici.
Mickie pense que c'est une mauvaise chose, je pense le contraire car la ville est grandement touchée par le chômage, à cause des investisseurs chinois qui monopolisent le travail avec leur propre main d'œuvre (chinoise)...
Harnet (mon ami du bus) m'appelle alors pour venir boire le café chez lui et sa famille. Je lui dis que ça sera difficile aujourd'hui, mais il y a des chances que je reste demain. Je le rappellerais...
Nous faisons un tour en ville et au détour d'une rue, un monticule de peaux de moutons (peut être un bon mètre cinquante de haut...) la tradition du Noël orthodoxe...
Nous faisons une pause dans un café où il a l'habitude d'aller, il y a du wifi, je relève mes mails.
La nuit tombe, nous retournons chez lui puisqu'il fait frais et nous emmenons John et Leul avec nous pour boire un coup.
On entre dans un premier bar (musique au delà des 110 dB, pour changer...) et nous commençons à danser et chanter. Encore une fois, tout le monde rigole et sourit de voir un Farenji dans un bar comme celui-ci, danser, mais encore connaître les paroles de refrains de certaines chansons. J'adore. Je me marre.
Finalement on change d'endroit pour aller dans un club un peu plus loin, bondé, de filles surtout, qui ne doivent pas être là juste pour danser. J'en ai même la confirmation un peu plus tard puisqu'on me propose "la totale" pour 400 birhs (35 euros...???)...
Sans façon.
"Bien vrai...!" comme on dit...
Mickie et moi rentrons chez lui, fatigué de tout ce monde. John et Leul restent sur place, nous les verrons demain, puisque j'ai finalement décidé de rester une journée de plus ici, la route jusqu'à Lalibela, ma prochaine étape, étant longue, je ne veux pas enchaîner les journées de bus comme je l'avais fait il y a 2 ans...
Nous rentrons dans sa chambre, il est un peu pompette, j'espère qu'il ne va pas s'endormir en premier car il pourrait ronfler à moins de 30 cm de mon oreille, vu la proximité que nous allons avoir tous les deux cette nuit...
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