Le 04/01/14, 16:18
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Comme la veille, je me réveille subitement vers 2h30 du matin... Impossible de me rendormir.... Je pense que le lit n'est vraiment pas terrible, et que j'ai mal dormi.
[a mettre sur la "To-Do-List" au retour: prendre 17 rendez-vous consécutifs chez un ostéopathe pour me remettre d'aplomb, je crois que je suis tout de travers...]
Qu'importe. J'essaie de voir si il y a de l'eau pour prendre une douche, toujours pas... Bon... J'en suis a 3 jours de grève de l'hygiène... Je m'assois dans la cour et je contemple les étoiles, encore, c'est magique. La dernière fois que j'avais eu cette sensation, c'était avec Mathilde, quand nous avions gravi les dunes du désert de Namib, à Sussovlei en Namibie. Je plie mon sac, prêt à partir pour 4h30 à la gare routière et commence à lire le livre que m'ont offert Baptiste et Claire-Lise avant mon départ: "Dem Ak Xabaar - Partir et Rencontrer (récit d'un clandestin africain en route vers l'Europe)", qui conte l'histoire d'un sénégalais qui mettra presque 4 ans à rejoindre Séville de Dakar, sur un parcours semé d'embûches. Ça a l'air vraiment passionnant...
À 4h30, direction la station de bus. Il fait assez frais, je mets mon pull, mon gros sac à dos à l'arrière, le petit sur le ventre, frontale sur le crâne. La petite marche de 20 minutes qui me sépare de la gare routière me fait traverser des coins sombres, que je ne pense pas dangereux, mais on ne sait jamais à cette heure-la...
Arrivée à la gare routière, peu avant 5h. La foule s'est déjà empressée devant le portail, fermé, de la station. Au bout de quelques secondes, un soi-disant responsable de la gare routière ma fait entrer, devant tout le monde... Ça me fait un peu mal au cœur qu'un Farenji doublent ceux qui attendent depuis sûrement beaucoup plus longtemps que moi, mais je vais comprendre par la suite...
Je trouve sans souci mon bus pour Shire, mon gros sac part sur le toit, et je m'installe au 2ème rang du bus, dans la seule banquette où il n'y a que 2 sièges, tous les autres en ont 3. Sûrement plus confortable.
Je descends du bus pour fumer une cigarette, discute avec le "responsable" des bagages du bus, et soudain: "Get In, get in!!!" Ni une, ni deux, je saute dans le bus pour m'asseoir sur mon siège...
Je viens de comprendre: le portail de la gare routière viennent de s'ouvrir au "public" et les gens courent et affluent (littéralement) vers leurs bus respectifs pour avoir les places les plus confortables, certains se battent, d'autres chutent dans leur course... Incroyable.
Comme mon bus était complet déjà la veille, il ne tarde à obtenir tous les voyageurs. Il y a bien quelqu'un devant moi, j'ai bien un voisin.
La cabine du chauffeur est remplie d'icônes plastifiées du Christ, de la Vierge, de l'empereur Haile Selassie, et d'autres images ou pendentifs religieux, le tout accroché sur un plafond d'où pendent des dizaines de "pompons à rideaux". C'est chouette.
Le bus part avec quelques minutes de retard, il fait encore nuit noire, je m'assoupis sur mon sac à dos...
A mon réveil, environ 1h30 plus tard, nous roulons sur un bon goudron, en montant, toujours. Gondar étant à 2200m d'altitude, je pense que je vais battre des records aujourd'hui...
Je commence à faire connaissance avec mon voisin de devant, Seydou Keita (...) qui parle un bon anglais. Il est jeune, travaille pour le gouvernement à Gondar, et part rejoindre ses amis pour 2 jours dans un village juste avant Shire. Là encore, mes quelques mots d'amharrique font sourire, y compris le chauffeur.
Nous faisons une halte à Debark, une centaine de kilomètres après notre départ. Pause petit-déjeuner. Celui-ci se doit d'être fourni, car Seydou me dit qu'il n'y aura pas de pause déjeuner, sur un trajet qui dure 10 heures, j'ai intérêt à me rassasier. Nous prenons tous les 2 un café et un plat à base de pain, d'œuf, d'oignons et de poivrons... Ça risque d'être joyeux dans le bus au niveau instestinal...
J'étais jusqu'à présent le seul Farenji dans le bus, mais à Debark sont montés d'autres étrangers. Puisque Debark est le point de départ "civilisé" pour les treks dans les montagnes du Simien, à l'ouest, où culmine notamment le plus haut pic d'Ethiopie, le Ras Dashen (4620m). Nous sommes désormais 5 farenjis.
Le bus repart. Quelques kilomètres après, sur le goudron, un chien errant traverse en courant et passe violemment sous les roues du bus, qui ne s'arrête pas en montée, bien entendu... Première fois qu'on écrase quelque chose, c'est bien étrange, cette indifférence...
Le goudron cesse. On est désormais sur une "piste", la seule route entre Shire et Debark commencée en 1920 par les Italiens. L'entreprise pour poursuivre cette voie continue encore, mais elle est longue et fastidieuse.
On monte encore, quand Seydou (visiblement connaisseur de cette route) me dit "Prepare your camera...!"
En haut de la côte, un spectacle grandiose s'offre à nos yeux...
Incroyable. Les montagnes du Simien.
Lunaire, mais montagneux (on doit être à 2800m d'altitude je pense...). Il fait une forte chaleur, et la route suit le flanc d'une montagne avant de redescendre dans une vallée. Je commence à comprendre pourquoi le bus met 10 heures à parcourir 400km (dont 100 sur goudron sur la totalité du parcours).
Un champ de montagnes à perte de vue, comme un champ de stalagmites avec une base plus large. On dirait même qu'elles ont toutes été "rabotées" à la même hauteur. La fatigue me poursuit mais je ne peux fermer les yeux. Même les locaux prennent des photos avec leurs téléphones portables...!
La suite de la route est indescriptible.... Toutes ces montagnes spectaculaires s'enchaînent, tout est assez sec, mais quelques arbres verts parviennent à subsister dans cet environnement hostile, entre 2500 et 3000 mètres d'altitude.
La route s'enlace autour de nombreux "rochers" pour continuer à progresser en direction du nord. Je n'ai pas trop de repères, tant les virages sont nombreux. Grand spectacle sur ma droite, un massif au loin, c'est comme si l'on avait accolé Table Moutain de Cape Town avec l'Amphiteatre, des Drakensberg sud-africains. Wow.
Bien entendu, la population est rare ici, ou alors très "authentique". Un ou deux villages sont traversés, pas l'ombre d'un poteau électrique, ni d'un morceau de tôle en guise de toit... On est dans le vrai, là.
Puis on sent qu'on arrive dans une région plus "civilisée". Les villages s'enchaînent, les contrôles de police aussi. De jeunes ont l'air d'être "apprentis" des forces de l'ordre, vêtus d'uniformes trop grands pour eux, s'accrochant passionnément à la Kalashnikov qui leur est confiée. Encore une fois, je ne suis pas sûr qu'ils fassent mal à grand monde, ils n'ont sûrement jamais tiré, et il n'y a peut être même pas de munitions... Les images des enfants soldats africains font peine à voir, là, j'étais plutôt devant une caricature.
Lors des contrôles, les Farenjis ne sont pas contrôlés. En revanche, tous les noirs doivent présenter une pièce d'identité, ça prend une plombe.
Nous repartons et dans le village suivant, une gamine de 2 ou 3 ans surgit de la gauche et traverse la route en courant. Le bus réussit à s'arrêter en l'évitant, je pense qu'elle est passée à moins d'un mètre du pare-choc avant. Le gars des tickets sort du bus, attrape un caillou et le jette en direction de la gamine. Personne ne dit rien, ça doit être dans "l'apprentissage" des choses.
Tu as failli te faire écraser ou tu as failli faire renverser un bus avec 60 personnes à l'intérieur, alors tu peux bien te prendre une petite caillasse dans la gueule... C'est un point de vue...
Encore un contrôle... On vient de franchir une rivière, le Tekeze, mais mon voisin du bus me dit que c'est la dernière montée et que c'était le dernier contrôle avant Shire.
La dernière montée est longue, la piste devient du sable à certains moments, comment un bus rempli peut-il réussir à passer...? On aperçoit quelques filets d'eau qui apparaissent le long des rochers, ça doit être assez rare.
Arrivée en haut du dernier col, le goudron revient. Nous roulons en ligne droite pendant plusieurs centaines de mètres avant la traversée de champs de maïs. Étonnant, tout est soudain vert au milieu de cette zone désertique.
Et là tout change, c'est incroyable...
On croise un chameau, puis deux, puis trois...
Les hommes qui les traînent sont plus barbus, les vêtements ont des airs beaucoup plus musulmans, ils sont plus souvent armés... Nous arrivons dans un village et toutes les femmes ont la même coiffure traditionnelle. Quand elles sont jeunes, elles se font tresser les cheveux du haut du front jusqu'à la moitié de l'arrière du crâne, disons, et les cheveux sont relâchées après les tresses. Sauf qu'une fois le tressage terminé, les femmes ne se font plus jamais couper les cheveux, ce qui donne un air si commun à toutes ces femmes ornant cette coupe particulière, mais en même temps, avec toutes les longueurs de cheveux différentes, on peut estimer l'âge, ou au moins la différence d'âge entre 2 individus.
Les vaches aussi sont différentes, elles ont des cornes beaucoup plus longues et rentrées vers l'intérieur.
Je viens de rentrer dans la région du Tigré.
Comme si je venais non pas de passer une frontière, mais réellement atterrir sur une autre planète... Tout a changé.
L'entrée dans la ville de Shiré est aussi improbable.
Des chameaux en pause à la station-service... Je n'ai pas réussi à dégainer l'appareil photo assez vite, la situation était pour le moins cocasse. Beaucoup d'hommes armés, des fusils, mais aussi des Kalashnikov, probablement dû à la proximité avec la frontière érythréenne (moins de 80km).
Il faut savoir que depuis de nombreuses années, l'Ethiopie et l'Érythrée sont les sœurs ennemies. Tous les postes frontières entre les 2 pays sont fermés jusqu'à nouvel ordre. Les relations sont difficiles, alors que de nombreux Érythréens habite au Nord de l'Ethiopie. On m'explique par la suite que l'Ethiopie est plus tolérante avec son voisin. En revanche, il est dit que si tu regardes une chaîne de télévision éthiopienne en Érythrée, cela peut rapporter de gros ennuis. Oui, à ce point.
Nous arrivons à Shiré en fin d'après-midi. J'espère réussir à choper un minibus pour Axoum, qui n'est qu'à 45 minutes de route.
Mon voisin du bus proposé de m'aider. Je le remercie et accepte.
Il a comme bagages beaucoup de sac remplis par je ne sais quelle céréale. Il me demande de surveiller pendant qu'il va nous chercher un véhicule. Je m'assois sur la cargaison avant qu'une dizaine de gamins n'accourent vers moi. Un farenji sur des sacs de céréales, il ne doivent pas voir ça tous les jours. On commence à parler en amharique, ce qui les fait bien évidemment tous hurler de rire...
Au bout d'une bonne demie-heure, mon ami revient avec une option de transport. Je le suis et les gamins sautent sur les sacs de céréales pour les apporter au bus. Le plus petit d'entre eux veut prendre mon sac. Je sais bien comment ça marche, il va me demander un peu d'argent après, mais je suis curieux de voir la prochaine situation. Son pote un peu plus âgé tient mon sac vertical, pendant que le petit enfile les brides, puis, il tombe en arrière... Éclat de rire général...
Je prends finalement mon sac, et suis les cargaisons de céréales sur pattes.
Finalement, l'option du minibus s'avère être, d'une, plus rapide, et, de deux, moins onéreuse (même si on parle d'une différence de 10 birhs, soit 40 centimes d'euro...).
Dans le bus, j'appelle l'hôtel que j'avais appelé la veille. La réceptionniste aurait dû me rappeler dans la journée mais pas de nouvelles... Le numéro sonne occupé depuis ce matin. Bon... Solution de secours, j'appelle tous les autres hôtels de la catégorie "bien et pas chers" de mon Petit Futé, ils sont tous complets. Je risque d'arriver à la nuit tombée, j'aimerais être sûr d'avoir une chambre en arrivant.
Je booke un hôtel plus prestigieux, 25€ la nuit, mais au moins je n'aurais pas à me demander s'il y a de l'eau, premièrement, et de l'eau chaude, secondement. Wi-Fi, terrasse, restaurant. Je vais peut être faire mon bourgeois ce soir...
Mon voisin de devant m'a entendu appeler l'hôtel et nous commençons à discuter. Il s'appelle Haftom, étudiant à Axoum et rentre de chez ses parents, à côté de Shiré.
Il se propose même de m'accompagner à l'Abenet Hôtel (celui que j'avais réservé la veille mais qui ne réponds pas) pour s'assurer que j'ai bien une chambre. Le minibus nous jette, nous devons prendre un bajaj (tuk-tuk) pour aller à l'Abenet. Il insiste pour m'offrir la course (1 birh...) et on rentre dans la réception.
Tout va bien, ma chambre est bien réservée, mais le téléphone était mal raccroché. Je lui propose de prendre un verre avec moi, il décline l'invitation mais nous échangeons nos numéros de téléphone pour le lendemain.
Je monte dans ma chambre (lit double avec toilettes ET douche privative!!!). Tout ça pour 250 birhs. 10 euros. Bon j'aurais fait du double booking, c'est pas très cool mais je m'en fiche finalement. J'aurais peut être payé 15€ de plus juste pour avoir la possibilité de manger sur place et d'avoir du wifi. Bourgeois, mais quand même...
Je redescends à la réception, la jeune demoiselle est toute émoustillée devant moi, je lui demande des conseils pour un endroit où manger rapidement. Il y a un restaurant à l'étage que je n'avais pas vu. Sur la carte, Doro Wat (poulet avec sauce) et injera, 30 birhs. Vendu. Je suis épuisé ça m'évitera de sortir. En plus, il y a du foot anglais (encore) à la télé. Parfait.
Je mange, en salissant toutes mes fringues, et remonte direct dans ma piaule. Une douche j'en ai envie depuis plusieurs jours, et puis... Encore une fois, pas d'eau. La poisse.
J'en suis à mon 4ème jour consécutif de grève de l'hygiène. Vais-je battre le record du rasta lors de la tournée dans les Balkans...?
Affaire à suivre....
Je me couche, la journée d'aujourd'hui a été longue mais exceptionnelle...
Je ferme les yeux en repensant à tout ce que j'ai vu.
Je souris.
Je suis chanceux.
Je suis heureux...
zZzZzZz...
[a mettre sur la "To-Do-List" au retour: prendre 17 rendez-vous consécutifs chez un ostéopathe pour me remettre d'aplomb, je crois que je suis tout de travers...]
Qu'importe. J'essaie de voir si il y a de l'eau pour prendre une douche, toujours pas... Bon... J'en suis a 3 jours de grève de l'hygiène... Je m'assois dans la cour et je contemple les étoiles, encore, c'est magique. La dernière fois que j'avais eu cette sensation, c'était avec Mathilde, quand nous avions gravi les dunes du désert de Namib, à Sussovlei en Namibie. Je plie mon sac, prêt à partir pour 4h30 à la gare routière et commence à lire le livre que m'ont offert Baptiste et Claire-Lise avant mon départ: "Dem Ak Xabaar - Partir et Rencontrer (récit d'un clandestin africain en route vers l'Europe)", qui conte l'histoire d'un sénégalais qui mettra presque 4 ans à rejoindre Séville de Dakar, sur un parcours semé d'embûches. Ça a l'air vraiment passionnant...
À 4h30, direction la station de bus. Il fait assez frais, je mets mon pull, mon gros sac à dos à l'arrière, le petit sur le ventre, frontale sur le crâne. La petite marche de 20 minutes qui me sépare de la gare routière me fait traverser des coins sombres, que je ne pense pas dangereux, mais on ne sait jamais à cette heure-la...
Arrivée à la gare routière, peu avant 5h. La foule s'est déjà empressée devant le portail, fermé, de la station. Au bout de quelques secondes, un soi-disant responsable de la gare routière ma fait entrer, devant tout le monde... Ça me fait un peu mal au cœur qu'un Farenji doublent ceux qui attendent depuis sûrement beaucoup plus longtemps que moi, mais je vais comprendre par la suite...
Je trouve sans souci mon bus pour Shire, mon gros sac part sur le toit, et je m'installe au 2ème rang du bus, dans la seule banquette où il n'y a que 2 sièges, tous les autres en ont 3. Sûrement plus confortable.
Je descends du bus pour fumer une cigarette, discute avec le "responsable" des bagages du bus, et soudain: "Get In, get in!!!" Ni une, ni deux, je saute dans le bus pour m'asseoir sur mon siège...
Je viens de comprendre: le portail de la gare routière viennent de s'ouvrir au "public" et les gens courent et affluent (littéralement) vers leurs bus respectifs pour avoir les places les plus confortables, certains se battent, d'autres chutent dans leur course... Incroyable.
Comme mon bus était complet déjà la veille, il ne tarde à obtenir tous les voyageurs. Il y a bien quelqu'un devant moi, j'ai bien un voisin.
La cabine du chauffeur est remplie d'icônes plastifiées du Christ, de la Vierge, de l'empereur Haile Selassie, et d'autres images ou pendentifs religieux, le tout accroché sur un plafond d'où pendent des dizaines de "pompons à rideaux". C'est chouette.
Le bus part avec quelques minutes de retard, il fait encore nuit noire, je m'assoupis sur mon sac à dos...
A mon réveil, environ 1h30 plus tard, nous roulons sur un bon goudron, en montant, toujours. Gondar étant à 2200m d'altitude, je pense que je vais battre des records aujourd'hui...
Je commence à faire connaissance avec mon voisin de devant, Seydou Keita (...) qui parle un bon anglais. Il est jeune, travaille pour le gouvernement à Gondar, et part rejoindre ses amis pour 2 jours dans un village juste avant Shire. Là encore, mes quelques mots d'amharrique font sourire, y compris le chauffeur.
Nous faisons une halte à Debark, une centaine de kilomètres après notre départ. Pause petit-déjeuner. Celui-ci se doit d'être fourni, car Seydou me dit qu'il n'y aura pas de pause déjeuner, sur un trajet qui dure 10 heures, j'ai intérêt à me rassasier. Nous prenons tous les 2 un café et un plat à base de pain, d'œuf, d'oignons et de poivrons... Ça risque d'être joyeux dans le bus au niveau instestinal...
J'étais jusqu'à présent le seul Farenji dans le bus, mais à Debark sont montés d'autres étrangers. Puisque Debark est le point de départ "civilisé" pour les treks dans les montagnes du Simien, à l'ouest, où culmine notamment le plus haut pic d'Ethiopie, le Ras Dashen (4620m). Nous sommes désormais 5 farenjis.
Le bus repart. Quelques kilomètres après, sur le goudron, un chien errant traverse en courant et passe violemment sous les roues du bus, qui ne s'arrête pas en montée, bien entendu... Première fois qu'on écrase quelque chose, c'est bien étrange, cette indifférence...
Le goudron cesse. On est désormais sur une "piste", la seule route entre Shire et Debark commencée en 1920 par les Italiens. L'entreprise pour poursuivre cette voie continue encore, mais elle est longue et fastidieuse.
On monte encore, quand Seydou (visiblement connaisseur de cette route) me dit "Prepare your camera...!"
En haut de la côte, un spectacle grandiose s'offre à nos yeux...
Incroyable. Les montagnes du Simien.
Lunaire, mais montagneux (on doit être à 2800m d'altitude je pense...). Il fait une forte chaleur, et la route suit le flanc d'une montagne avant de redescendre dans une vallée. Je commence à comprendre pourquoi le bus met 10 heures à parcourir 400km (dont 100 sur goudron sur la totalité du parcours).
Un champ de montagnes à perte de vue, comme un champ de stalagmites avec une base plus large. On dirait même qu'elles ont toutes été "rabotées" à la même hauteur. La fatigue me poursuit mais je ne peux fermer les yeux. Même les locaux prennent des photos avec leurs téléphones portables...!
La suite de la route est indescriptible.... Toutes ces montagnes spectaculaires s'enchaînent, tout est assez sec, mais quelques arbres verts parviennent à subsister dans cet environnement hostile, entre 2500 et 3000 mètres d'altitude.
La route s'enlace autour de nombreux "rochers" pour continuer à progresser en direction du nord. Je n'ai pas trop de repères, tant les virages sont nombreux. Grand spectacle sur ma droite, un massif au loin, c'est comme si l'on avait accolé Table Moutain de Cape Town avec l'Amphiteatre, des Drakensberg sud-africains. Wow.
Bien entendu, la population est rare ici, ou alors très "authentique". Un ou deux villages sont traversés, pas l'ombre d'un poteau électrique, ni d'un morceau de tôle en guise de toit... On est dans le vrai, là.
Puis on sent qu'on arrive dans une région plus "civilisée". Les villages s'enchaînent, les contrôles de police aussi. De jeunes ont l'air d'être "apprentis" des forces de l'ordre, vêtus d'uniformes trop grands pour eux, s'accrochant passionnément à la Kalashnikov qui leur est confiée. Encore une fois, je ne suis pas sûr qu'ils fassent mal à grand monde, ils n'ont sûrement jamais tiré, et il n'y a peut être même pas de munitions... Les images des enfants soldats africains font peine à voir, là, j'étais plutôt devant une caricature.
Lors des contrôles, les Farenjis ne sont pas contrôlés. En revanche, tous les noirs doivent présenter une pièce d'identité, ça prend une plombe.
Nous repartons et dans le village suivant, une gamine de 2 ou 3 ans surgit de la gauche et traverse la route en courant. Le bus réussit à s'arrêter en l'évitant, je pense qu'elle est passée à moins d'un mètre du pare-choc avant. Le gars des tickets sort du bus, attrape un caillou et le jette en direction de la gamine. Personne ne dit rien, ça doit être dans "l'apprentissage" des choses.
Tu as failli te faire écraser ou tu as failli faire renverser un bus avec 60 personnes à l'intérieur, alors tu peux bien te prendre une petite caillasse dans la gueule... C'est un point de vue...
Encore un contrôle... On vient de franchir une rivière, le Tekeze, mais mon voisin du bus me dit que c'est la dernière montée et que c'était le dernier contrôle avant Shire.
La dernière montée est longue, la piste devient du sable à certains moments, comment un bus rempli peut-il réussir à passer...? On aperçoit quelques filets d'eau qui apparaissent le long des rochers, ça doit être assez rare.
Arrivée en haut du dernier col, le goudron revient. Nous roulons en ligne droite pendant plusieurs centaines de mètres avant la traversée de champs de maïs. Étonnant, tout est soudain vert au milieu de cette zone désertique.
Et là tout change, c'est incroyable...
On croise un chameau, puis deux, puis trois...
Les hommes qui les traînent sont plus barbus, les vêtements ont des airs beaucoup plus musulmans, ils sont plus souvent armés... Nous arrivons dans un village et toutes les femmes ont la même coiffure traditionnelle. Quand elles sont jeunes, elles se font tresser les cheveux du haut du front jusqu'à la moitié de l'arrière du crâne, disons, et les cheveux sont relâchées après les tresses. Sauf qu'une fois le tressage terminé, les femmes ne se font plus jamais couper les cheveux, ce qui donne un air si commun à toutes ces femmes ornant cette coupe particulière, mais en même temps, avec toutes les longueurs de cheveux différentes, on peut estimer l'âge, ou au moins la différence d'âge entre 2 individus.
Les vaches aussi sont différentes, elles ont des cornes beaucoup plus longues et rentrées vers l'intérieur.
Je viens de rentrer dans la région du Tigré.
Comme si je venais non pas de passer une frontière, mais réellement atterrir sur une autre planète... Tout a changé.
L'entrée dans la ville de Shiré est aussi improbable.
Des chameaux en pause à la station-service... Je n'ai pas réussi à dégainer l'appareil photo assez vite, la situation était pour le moins cocasse. Beaucoup d'hommes armés, des fusils, mais aussi des Kalashnikov, probablement dû à la proximité avec la frontière érythréenne (moins de 80km).
Il faut savoir que depuis de nombreuses années, l'Ethiopie et l'Érythrée sont les sœurs ennemies. Tous les postes frontières entre les 2 pays sont fermés jusqu'à nouvel ordre. Les relations sont difficiles, alors que de nombreux Érythréens habite au Nord de l'Ethiopie. On m'explique par la suite que l'Ethiopie est plus tolérante avec son voisin. En revanche, il est dit que si tu regardes une chaîne de télévision éthiopienne en Érythrée, cela peut rapporter de gros ennuis. Oui, à ce point.
Nous arrivons à Shiré en fin d'après-midi. J'espère réussir à choper un minibus pour Axoum, qui n'est qu'à 45 minutes de route.
Mon voisin du bus proposé de m'aider. Je le remercie et accepte.
Il a comme bagages beaucoup de sac remplis par je ne sais quelle céréale. Il me demande de surveiller pendant qu'il va nous chercher un véhicule. Je m'assois sur la cargaison avant qu'une dizaine de gamins n'accourent vers moi. Un farenji sur des sacs de céréales, il ne doivent pas voir ça tous les jours. On commence à parler en amharique, ce qui les fait bien évidemment tous hurler de rire...
Au bout d'une bonne demie-heure, mon ami revient avec une option de transport. Je le suis et les gamins sautent sur les sacs de céréales pour les apporter au bus. Le plus petit d'entre eux veut prendre mon sac. Je sais bien comment ça marche, il va me demander un peu d'argent après, mais je suis curieux de voir la prochaine situation. Son pote un peu plus âgé tient mon sac vertical, pendant que le petit enfile les brides, puis, il tombe en arrière... Éclat de rire général...
Je prends finalement mon sac, et suis les cargaisons de céréales sur pattes.
Finalement, l'option du minibus s'avère être, d'une, plus rapide, et, de deux, moins onéreuse (même si on parle d'une différence de 10 birhs, soit 40 centimes d'euro...).
Dans le bus, j'appelle l'hôtel que j'avais appelé la veille. La réceptionniste aurait dû me rappeler dans la journée mais pas de nouvelles... Le numéro sonne occupé depuis ce matin. Bon... Solution de secours, j'appelle tous les autres hôtels de la catégorie "bien et pas chers" de mon Petit Futé, ils sont tous complets. Je risque d'arriver à la nuit tombée, j'aimerais être sûr d'avoir une chambre en arrivant.
Je booke un hôtel plus prestigieux, 25€ la nuit, mais au moins je n'aurais pas à me demander s'il y a de l'eau, premièrement, et de l'eau chaude, secondement. Wi-Fi, terrasse, restaurant. Je vais peut être faire mon bourgeois ce soir...
Mon voisin de devant m'a entendu appeler l'hôtel et nous commençons à discuter. Il s'appelle Haftom, étudiant à Axoum et rentre de chez ses parents, à côté de Shiré.
Il se propose même de m'accompagner à l'Abenet Hôtel (celui que j'avais réservé la veille mais qui ne réponds pas) pour s'assurer que j'ai bien une chambre. Le minibus nous jette, nous devons prendre un bajaj (tuk-tuk) pour aller à l'Abenet. Il insiste pour m'offrir la course (1 birh...) et on rentre dans la réception.
Tout va bien, ma chambre est bien réservée, mais le téléphone était mal raccroché. Je lui propose de prendre un verre avec moi, il décline l'invitation mais nous échangeons nos numéros de téléphone pour le lendemain.
Je monte dans ma chambre (lit double avec toilettes ET douche privative!!!). Tout ça pour 250 birhs. 10 euros. Bon j'aurais fait du double booking, c'est pas très cool mais je m'en fiche finalement. J'aurais peut être payé 15€ de plus juste pour avoir la possibilité de manger sur place et d'avoir du wifi. Bourgeois, mais quand même...
Je redescends à la réception, la jeune demoiselle est toute émoustillée devant moi, je lui demande des conseils pour un endroit où manger rapidement. Il y a un restaurant à l'étage que je n'avais pas vu. Sur la carte, Doro Wat (poulet avec sauce) et injera, 30 birhs. Vendu. Je suis épuisé ça m'évitera de sortir. En plus, il y a du foot anglais (encore) à la télé. Parfait.
Je mange, en salissant toutes mes fringues, et remonte direct dans ma piaule. Une douche j'en ai envie depuis plusieurs jours, et puis... Encore une fois, pas d'eau. La poisse.
J'en suis à mon 4ème jour consécutif de grève de l'hygiène. Vais-je battre le record du rasta lors de la tournée dans les Balkans...?
Affaire à suivre....
Je me couche, la journée d'aujourd'hui a été longue mais exceptionnelle...
Je ferme les yeux en repensant à tout ce que j'ai vu.
Je souris.
Je suis chanceux.
Je suis heureux...
zZzZzZz...