TURONENSIS 2014

La nuit aurait été tout à fait calme si Ginette une de nos deux canadiennes qui partagent notre gîte ne s'était pas retrouvée enfermée dans la chaufferie une partie de la nuit en voulant téléphoner à son mari. C'est Louise, la seconde, qui l'a libérée à 6 h.

Nous nous réjouissons de cette étape, quasi-finale pour JP, jalon pour Alain. Mais le temps est si pourri que nous n'en profitons pas complètement. Enfin, nous voici à la porte St Jacques. Et oui, nous l'avons fait, et cette étape vient boucler le chemin de la Via Turonensis !
Nous fêtons l'évènement avec Notre ami Christophe, triple médaille d'or de St Jacques. Ce sera aussi notre sourée d'au revoir, Christophe part sur le camino norte.

Mais l'aventure n'est pas terminée pour Alain et vous pourrez suivre son périple du camino frances de St Jean Pied de port à St Jacques de Compostelle. JP l'accompagnera sur les trois premières étapes. Rendez-vous sur le nouveau blog pour suivre la suite de l'aventure :
www.enroutes.com/caminoalain

L'étape de 27 kms qui nous attend est sérieuse car il faudra compter les 700 m de dénivelé. Nous anticipons un départ à 7 h, mais évidemment, au moment de partir, impossible de remettre la main sur les clés. Nous défaisons nos sacs 3 fois et finissons par appeler Jeanine, notre hospitalière Elle revient en s'excusant, elle avait embarqué nos clés. On lui fait une grosse bise pour la peine et partons une heure plus tard.

L'étape nous conduit dans le pays basque avec des passages pittoresques dans les champs humides. Ici les vers de terre ont la taille des pythons avec 80 cm de Long. Le déjeuner du pèlerin dans la chaleureuse auberge du foirail à St Palais est le bienvenu.

A partir de là, le chemin devient magique, car les trois voies de Vezelay, du Puy et de Tours se rencontrent à la stèle de Gibraltar. Nous escaladons sous un vent à décorner les bœufs la colline de la chapelle Soyarce. Après un tel effort, nous tombons dans la contemplation des verts vallons du pays basque.

Nous passons une nuit réparatrice dans le très beau gîte de Sorde. La belle abbaye est construite sur une ancienne villa romaine et les céramiques sont apparentes dans la nef.

Nous traversons le gave d'Oloron pour nous retrouver en plein Béarn. Si les vaches ont des têtes aussi sympathiques c'est peut-être en raison de la hauteur de l'herbe si grasse ici.

Le temps pluvieux n'entame pas notre moral sur cette petite étape de 20 kms, car nous apprécions ces reliefs vallonnés et les encorbellements en brique rouge de ces grandes maisons.

Jeanine, notre hospitalière de 83 ans passe avec nous un agréable moment au gîte de Bergoué. Mr le Maire nous rend visite pour nous trouver le code Wifi de la mairie. Le temps est bien froid maintenant, mais quelle chaleur humaine dans ce beau Béarn.

La météo s'annonce pluvieuse et Alain n'a pas de chaussure étanche pour le camino frances. Alain est sceptique à l'idée de répondre aux exigences de son algues valgus. Nous décidons de passer en boutique pour s'équiper et nous trouvons une solution en un quart d'heure.
Et nous revoilà reparti à 10 h pour une étape très pluvieuse de 30 kms, l'un en frère JP équipé de sandales et Alain avec des chaussures jamais essayées. Nous prenons le temps de visiter Dax, sa cathédrale et ses thermes. Notre équipage rechappé à neuf (la pression ajustée et le niveau d'huile vérifié) avance bon train à 5 kms/h de moyenne sous la pluie. Nous avons une pêche d'enfer et très envie de chanter, mais on tente quand même de stopper le déluge !

Nous arrivons en pleine forme à Sorde. Finalement la morale de cette histoire, c'est que tant qu'on a pas tout essayé, et bien on a rien tenté.

Soirée avec Christophe et Odile au gîte de Taller autour des traditionnelles spaghettis. Une partie de belote nous assigne la vaisselle.

L'étape est courte et Alain gambade comme un lapin. JP se traine comme un galérien seulement pour une toute petite ampoule au bout du petit doigt de pied. La consultation de l'officine est sans appel : il faut amputer...ou Se reposer 2 jours.

JP fonce chez Décathlon pour se transformer en frère Alain avec ses sandales. Tous les espoirs restent permis.
Même après 33 jours, rien n'est jamais acquis.

Nous sommes 6 pèlerins au gîte d'Onesse. Notre hôtesse d'accueil arrive tardivement. "Elle est sur le flanc" nous avait prévenu son compagnon, et c'est sa fille qui gère à la fois le gîte et la santé de sa maman. Nous papotons gaiement en faisant la popote et passons une délicieuse soirée. Il faudra bien cela pour nous consoler de la nuit pourrie qui nous attend. Un des pélerin ronfle "comme un sanglier" nous dira Odile.

La meilleure consolation, c'est que l'étape de 25 kms dans la queue des Landes est une des plus belles qui soit. Les petits chemins traversent des forêts de pins et feuillus parsemés d'ajoncs, de bruyères et de genets. Nous discutons avec des planteurs de pins maritimes. Ils en placent un tous les 2 m. Chaque pin consommera entre 60 et 100 l par jour durant ses 40 ans de vie.

Le solognot de JP retrouve l'atmosphère de sa jeunesse. Pas étonnant qu'autant d'étrangers sillonnent le chemin pour découvrir à chaque étape autant de diversité.

La soirée du lundi soir s'avère spartiate, soupe et au lit au gîte de l'arc-en-ciel.

L'étape est une des plus déprimantes du parcours. La moitié des 22 kms le long de l'autoroute, le reste sur une ligne droite interminable.

Fort heureusement, le gîte est accueillant et nous nous retrouvons 6 pèlerins à l'arrivée.
Nous partageons une soirée d'échange, en particulier avec Christophe, triple médaille de Compostelle qui nous émeut par son humilité. Il nous faudra décidément encore beaucoup de chemin avant d'arriver à tant de simplicité.

Nos amis Geneviève et Michel nous conduisent à la borne des 1000 kms restant pour Compostelle, et 200 pour Roncevaux. Par comparaison, nous avons parcouru 750 kms.

Nous reprenons le chemin pour Labouheyre pour 23 kms sur les longs chemins rectilignes. Dans le passé, Jules Chambreland a asséché les marécages des Landes par des plantations de pins. Aujourd'hui, si les landes,c'est d'abord du sable, elles disposent d'une mine d'or sous les pieds depuis que l'on sait extraire l'eau pour arroser (1970) avec un renouvellement permanent.

Nous avons traversé un champ de carottes et oignons de 70 ha. Les Landes ne serait-il pas en passe de devenir le premier jardin de la France ?

Après les 29 kms d'hier, c'est 33 qui nous attendent aujourd'hui sur les droits chemins des Landes.

Notre gîte à été fermé et nous nous rabattons sur la mairie pour une recommandation. La famille Devisme se porte volontaire pour nous accueillir. Arrivé près du lieu, nous demandons à une jolie jeune femme où se situe notre hébergement. Après nous avoir fourni l'indication, elle se propose également de nous accueillir.

Nous arrivons dans notre très chaleureuse maison d'accueil qui nous apprend que nous venons de parler à Cécile Duflot leur voisine, adepte des toilettes sèches.
Nous passons une soirée pascale inoubliable en compagnie de Geneviève et Michel. Nous dégusterons les excellentes asperges de la propriété dont Michel nous a fait visiter la production.

Nous avons partagé notre dernier gîte avec un couple dont la femme est blessée depuis 3 jours. Plutôt que de rester sur place, ils se traînent de gîte en gîte pour remplir leur crédentiale. Une nouvelle forme de tourisme jacquaire qui va nous fermer la porte du prochain gîte. Tant pis, on ira dormir Chez Élisa, une femme raffinée, qui vit dans son jardin de rêves.

Nous avons une pensée particulière à tous les fans de foot puisque c'est jour de match.
Les Landes sont le plus gros fabriquant de pelouse. De la pelouse à perte de vue ! De quoi recouvrir tout le Qatar, vous pouvez imaginer ?

Si l'étape de 17 kms est aussi courte, c'est bien pour nous permettre d'apprécier tranquillement sur 8 heures (avec sac à dos) la richesse du patrimoine bordelais à partir d'un itinéraire balisé par l'association des amis de St Jacques.

Sous l'impulsion de Chaban puis de Juppé, la ville à gagné pas à pas en prestige, en harmonie et qualité de vie. L'aménagement de la place de la Victoire par Ivan Theimer en 2005 par une colonne accompagnée de deux tortues en bronze en sont un symbole. Les 2 tortues parées de grappes de raisin et la carapace ornée de multiples références aux grand crus bordelais rappellent que pour atteindre l'excellence "Patience et longueur de temps valent mieux que Force ni que Rage".

Pour parodier Chaban et Juppé, Chabilan et JP font pas après pas le modeste chemin de chaque jour. Ah que ne ferait-on pas pour un vilain jeu de mot !

Si Gérard est absent à notre réveil de 7 heures, c'est qu'il est parti acheter les croissants pour valider son accueil 5 étoiles. Il a la délicatesse de nous reconduire sur le chemin à hauteur d'Arsac. Il nous reste 20 kms pour rejoindre Le Bouscat, banlieue Nord de Bordeaux, d'abord sous les feuillus, ensuite sous les pins. Gérard, notre compagnon de route, nous quitte après notre déjeuner à Blanquefort. Mais nous savons que nous nous retrouverons bientôt.

Nous sommes interpellés par l'emplacement insolite du refuge jacquaire, du Bouscat qui forme une enclave dans le cimetière. Christine, la bénévole du refuge nous rejoint bien vite, accompagnée de son frère. Par leur dévouement chaleureux, ils ont transformé ce lieu en un petit paradis, et ils nous prodiguent de précieux conseils. Cet endroit est vraiment incontournable pour les pélerins.

Nous terminons la soirée par un couscous à emporter, mais arrosé d'un St Emilion grand cru. Pourvu que nos ronflements ne perturbent pas nos voisins !

Voilà bien une journée spéciale qui s'annonce. Nous avons fait 10 kms de plus hier pour nous raccourcir la marche du jour. Nous nous levons cependant à 6H afin de parcourir les 12 kms qui nous séparent de Blaye afin de prendre le ferry de 10H pour Lamarque, en territoire Medoc.

Gérard G, Grand humaniste , membre de la fondation Buc Tiers Monde, très actif avec le Burkina nous attend pour nous offrir une journée de repos sur ses terres de Hourtin. Nous traversons tous les grands crus classés du médoc avec des vignobles à n'en plus finir. Nous sommes déjà en vacances de printemps, la température monte à 26 °C et les surfeurs sont déjà là et les régates se préparent sur le lac.

Nous goutons ce passage au paradis avec délectation en savourant l'instant. Nous nous offrons une petite marche de 2 kms, et nos pieds chantent comme des grillons sans le sac à doc. Qu'ils en profitent, car demain ils feront moins les fiers sous 26°C au purgatoire.

Nous quittons Mirambeau et la Saintonge dès 7 heures du matin pour cette étape de 26 kms. En moins d'une heure, nous sommes en Gironde, nous dominons l'estuaire et traversons les premières côtes de Blaye.

Le climat vient de changer et nous ressentons brutalement la fraîcheur de l'Atlantique. La proximité de la mer nous interpelle sur le sens de la coquille. Au XIIe siècle, Compostelle s’approprie la coquille. Les pèlerins qui en reviennent rapportent des coquilles, qui signifient les bonnes oeuvres, et les fixent au retour du tombeau de saint Jacques à leurs capes en l’honneur de l’apôtre en son souvenir et les rapportent chez eux en signe de leur long périple. Les deux valves du coquillage représentent les deux préceptes de l’amour du prochain auxquels celui qui les porte doit conforter sa vie. Les valves qui sont disposées à la façon des doigts désignent les bonnes oeuvres dans lesquelles celui qui les porte doit persévérer. Et les bonnes oeuvres sont joliment désignées par les doigts, parce que c’est par eux que nous opérons lorsque nous faisons quoi que ce soit."
Finalement, comme on dirait chez Shell ( Shell est un coquillage), c'est toujours la coquille qui fournit le carburant !

Nous quittons le refuge jaquier de l'hôpital des pèlerins à 7 h sans prendre de petit déjeuner, pressé d'en finir avec cette étape de 30 kms. Le chemin est très bien balisé, mais les ornières des tracteurs font souffrir nos pieds. Nous n'osons imaginer le chemin sous la pluie.

Dans l'après mis, nous ne sommes plus que l'ombre de nous même. la pensée s'évapore et ne laisse plus la place qu'à un corps douloureux qui porte sa croix en s'évitant toute réflexion.

C'est dans ce travail de maturation que s'effectue l'oubli de Soi et de ses douleurs.

Nous attribuons avant notre départ de Saintes un coquille Orange à Brigitte, la bénévole du refuge de Saintes, qui nous a résolu notre hébergement du jour.
Si l'étape de 25 kms est raisonnable, elle s' avéré harassante en raison de la chaleur et des séquelles de la veille.

Nous portons aujourd'hui une pensée à tout nos petits enfants.
Jade nous a envoyé spontanément un dessin de notre voyage que nous vous faisons partager. Le personnage au gros ventre, c'est Grand - père, le plus fin, c'est Alain.dans son imaginaire, son Univers est bien plus grand que le nôtre et le monde peuple d'animaux et de jolies fleurs. Nous sommes attendris à la pensée que notre voyage fasse germer une autre vision du monde. Et nous espérons qu'il suscitera chez Nathan, Violette, Robin, Clémence, Jade, Elyne et Lucas le désir de découvrir le monde, de vaincre leur peurs et de tout oser.

Le refuge dans l'abbaye royale nous offre des conditions parfaites pour nous préparer à l'épreuve du lendemain. Notre sommeil est cependant fragmenté par l'appréhension car l'étape est la plus longue du circuit. Nous partons dès 7 heures. Alain et Gérard partent par "la voie officielle" qui fait 38 kms. JP choisit la voie romaine de son GPS, 5 kms plus courte, il arrive à 15h 30 en décernant le prix citron aux golfeurs de foncouverte qui lui interdisent l'accès du GR. Alain et Gérard Le rejoignent gaillardement une heure plus tard. Cette étape nous a conduit dans le sud de la France avec ses toits plats. Nous savons aussi que les kilomètres n'ont pas la même valeur, les derniers sont si chers qu'ils ne nous permettent plus d'apprécier les merveilles 2 fois millénaires de Saintes.

Nous vous remercions de tout l'intérêt que vous portez à notre blog qui vient de dépasser les mille visiteurs. Si nous avons quelques devoirs à l'égard de nos pieds, il nous faut rester à la hauteur de vos exigences.

Nous sommes accueillis dans le refuge jacquaire de la commune d'aulnay dans une maison aménagée de 6 couchages,cuisine, machine à laver et sèche linge. Le grand luxe quoi ! Et le circuit est enfin balisé; nous décernons sans réserve notre première coquille d'or à la commune.
Notre étape de 23 kms dans le Saintonge nous dirige dans la belle ville de St Jean d'Angely Nous y aprecierons la bière sous la fraîcheur des platanes face à la fontaine du Pilori.
On aurait trouvé là une relique de St Jean - baptiste et les moines de Cluny y ont fondé leur monastère et bâti la ville. Elle sera pillée à plusieurs reprises par les vikings.
Qu'il est bon pour le jacquet de goûter le charme reposant de nos provinces et de s' y ressourcer avant LA grosse étape qui nous attend demain.

Les soeurs de l'agneau de Dieu à notre Dame de la Consolation nous offrent un repos bien mérité. Les 2 soeurs de plus de 75 ans qui n'ont pas de relève concluent notre dîner par un chant à l'attention de notre chemin.
Les 29 kms sous un soleil d'été s' avèrent éprouvant. Nous sommes exactement à mi-chemin de la via Turonensis, et il est temps de vous proposer notre séquence TAMALOU.
La marche régulière de 5 à 9 heures exige d'écouter son corps attentivement, ses pieds tout particulièrement. Nous les entendons pleurer régulièrement, et nous apprenons à accepter leur chant. Après 15 jours, nous les aimons et leur offrons des crèmes bien plus vitales que pour notre visage. Nos cerveaux sont devenus très amis avec nos pied, et tout va beaucoup mieux maintenant que nous les respectons. JP a découvert après 15 jours que le réglage du sac à dos pouvait déplacer le centre de gravité vers l'avant.

Si le chemin est la découverte d' un autre monde, c'est avant tout une découverte intérieure, avec ce corps qui nous est si précieux.

Nous avons passé une joyeuse soirée avec Jean-Jacques, le responsable du refuge jacquaire, en compagnie de Gérard notre nouveau compagnon et de Michel le bedeau du village.
Notre étape de 32 kms se déroule gaillardement sous un soleil d'été. JP marchera pour Françoise aujourd'hui, c'est son anniversaire.
Malgré la fatigue, nous visitons Melle, étape phare des pèlerins avec ses 3 magnifiques églises romanes. A noter qu'on y descend comme dans une grotte alors qu'il faut monter dans les gothiques. La chrétienté s' est diffusée rapidement au 4 ème siècle sous l'impulsion d' hilaire qui avait pris l'évêché de Poitiers. Sous son mandat, le pèlerinage à commence et il a mis en place les refuges.A partir du 10 eme siècle, les églises romanes se développent sur tout le chemin, bien souvent sur le culte de St Hilaire.Si les églises ne portent pas son nom, les vitraux ou les refuges lui sont dédiés.
Croyant ou non, Hilaire, en favorisant le pèlerinage à donné ses lettres de noblesse au chemin de Saint- Jacques de Compostelle.

Nous avons enfin un jacquet sur notre chemin. D'origine hollandaise, Gerard vit à Paris et parcourt le tronçon Poitiers Bordeaux.
Nous coupons l'étape de 23 km par un passage incontournable à Lusignan, célèbre pour la famille de croisés qui a laissé son nom. Pierre Guy, l'érudit de l'étape, vient nous voir et se fait un plaisir de nous faire découvrir les arcanes des vielles pierres. Nous sommes fascinés par le mythe de Melusine, là où le fantastique se mêle à l'histoire. La fée Melusine se transformait en serpent le samedi. Son secret ne devait jamais être dévoilé sous peine de retourner à l'autre monde. Au travers du mythe, vous apprendrez qu'il ne faut jamais s' immiscer dans le secret de l'autre.
Ami lecteur, ne demande jamais au jacquet pourquoi il entreprend le chemin. Car si tu découvrais son secret, tu pourrais bien tuer son désir de se lancer sur le chemin.

Nous compensons la soirée spartiate dans l'ancien séminaire par un copieux couscous Marocain. Notre chambre est mitoyenne au bureau des vocations, mais nous n'avons pas de doute sur le choix de la porte!

Comme dit Alain:"on va se refaire la cerise sur cette étape de 20km" Le parcours est sans histoire. Nous sommes chanceux; comme le temps est clément, nous traversons un chantier LGV sans nous embourber.

Nous rencontrons un véhicule de SPIE qui nous remémore les 2 mois passés ensemble dans les travaux d'été 1984 à SPIE Batignole pour câbler la nouvelle usine de moteurs rotatifs à Charleville. Cette voiture vient de nous transporter 40 ans en arrière et nous refaisons le film de cette tranche de vie. Le chemin nous lie avec notre passé bien plus que nous le pensions.

Nous avons passé la nuit à Naintré, dans une maison d'hôtes destinée aux touristes du Futuroscope. Cela va nous permettre de raccourcir sérieusement l'étape de 34 kms programmée.

Après 7 kms pénibles, nous rejoignons la majestueuse voie romaine. Intemporelle, elle nous donne l'impression ne n'avoir jamais changé. Nous retrouvons les 2 sillons des chariots larges de deux culs de chevaux qui ont marqué son histoire. Elle trace une ligne droite jusqu'à Poitiers, et on peut la suivre très loin au travers des collines parsemées de colza. A Chasseneuil, de façon insolite, elle surplombe, comme pour le narguer, le Futuroscope. Chacun a tracé sa route sans se préoccuper de l'autre, comme si nous vivions dans deux mondes parallèles.

Nous venons de passer la soirée dans le gite féerique de la grenouillère en en face du galion qui flotte sur l’étang , juste à côté d’une yourte. Des conditions idéales pour nous lancer sur les 29 kms de la journée qui nous conduit face à notre symbole, la statue du 18eme siècle de St Jacques, en bois, désormais classée . C’est un peu comme s’il nous donnait le droit de passage à notre troisième semaine de souffrance.

Avec un peu plus de 350 kms, Alain en est au 1/5eme de son objectif final (St Jacques de Compostelle), alors que JP en est au 1/3 du sien ( La via Turonensis). Ce premier jalon nous a conduit à Chatellerault, juste sur le pont Henri IV, copie conforme du Pont Henri IV de Paris, notre point de départ. Il n’y a décidemment pas de hasard !

Après une matinée tranquille, étape repas au Cheval Blanc Les Ormes en compagnie de Jean - Marie un célèbre accordéoniste qui anime des fêtes locales.

Notre chemin suit régulièrement le GR3 ou le GR655 bien mal entretenu en Avril. Dès que le temps est humide le terrain est un champ de bataille et l'herbe haute trempe nos chaussures. Nous pouvons faire 20km sans rencontrer une seule personne.

À partir du moyen âge il fallait trouver des moyens plus rapides pour acheminer le courrier. Nous avons admiré un des plus grands relais de poste du 13° intégralement conservé sur ce qui est devenu le N10.

Aujourd'hui on peut aller à Bordeaux en 3h mais pour gagner encore une heure, le plus gros chantier d'Europe coupe régulièrement notre chemin pour laisser place à la construction du LG.
Mais avec nos petits pieds, nous créons de nouvelles traces pour préserver les voies du passé

Nous avons passé la nuit chez la famille Audebert, des paysans en retraite. Marie-Thérèse , 74 ans, était heureuse de se changer les idées car son mari vient d'avoir 2 AVC successifs. Elle fait preuve d'une vitalité et d'une joie de vivre éblouissante.

Nous décidons de franchir l'étape de 20 kms d'une traite afin d'échapper à la pluie. Il nous faudra compter 3 kms supplémentaires avec le GR655, désormais balisé par la coquille. Nous traversons les bocages et nous sommes régulièrement accompagnés du chant des coucous. Nous pistons les traces nombreuses de chevreuils, sangliers, faisans et lapins. Hier encore, nous tombons nez à nez avec une biche. Nous laissons nous aussi nos empreintes éphémères sur le chemin.

Avec ses 23km, cette étape s'annonce courte mais semée d'embûches pour franchir les obstacles de la banlieue Tourangelle,dont la nouvelle ligne TGV en construction.
Arrêt sandwich à Monbazon sous la tour imposante surmontée d'une immense vierge à l'enfant. Elle fut la place forte de Foulque Nerra dit le Faucon Noir, précurseur des premières châteaux forts au dixième siècle.
Il expie sa cruauté légendaire par 4 pèlerinages à Jérusalem. Comme nous pensons avoir moins de fautes à nous faire pardonner (il avait tout de même brule sa femme) nous nous contenterons de Saint Jacques de Compostelle.

Nous anticipons les efforts de cette étape de 30 km par un départ matinal à 7h30. Alain appelle Myriam dès 8h00 pour lui souhaiter son anniversaire. La chaleur est pesante mais nos pas nous conduisent tranquillement vers Tours. Des Alphajets nous survolent et JP a une pensée émue pour son fils Pierre qui a reçu ses ailes ici
Nous sommes accueillis par les 8 soeurs Bénédictines de la Basilique Saint Martin. Nous les rejoignons à l'office du soir dans la crypte. Le lieu est propice à sublimer les voix d'ange du coeur des 8 sopranos soutenues par un psalterion. Le son fin comme du cristal,touche l'âme la plus endurcie quand il diffuse le message du psaume 100:"je marcherai d'un coeur parfait avec ceux de ma maison".

Notre hôte nous sert le petit déjeuner à 8h15, ce qui nous convient parfaitement puisque notre étape ne fera que 22 km. Le mari de notre hôte travaille dans l'informatique et nous découvrons que nous avons des relations en commun. Le monde est décidément petit.
Notre arrivée vers 14h00 à Amboise nous laisse le temps de découvrir le Clos Lucé, dernière demeure de Leonard de Vinci qui apporta la Joconde avec lui. Nous visitons le Château royal d'Ambroise qui fût la pouponnière des Valois et des Bourbon. C'est là que Charles VIII décède à 28 ans en heurtant de la tête un linteau de porte. JP invite Alain à la prudence quand il consultera son GPS en marchant. Finalement si les pieds trinquent sur Compostelle on ne peut pas négliger la tête.

Nous quittons Blois plein d'entrain. Il faut dire que nous partons psychologiquement 1 heure plus tôt avec le décalage horaire. Nous continuons à goûter la sérénité du bord de Loire, visiblement personne ne songe à se lever. Alain trouve des dizaines d'escargots qui relativisent notre lenteur.

Nous rencontrons un vieux papy encore plein de vitalité qui sarcle le bord de son jardin. Il nous demande où nous allons, Alain retourne son sac à dos et lui montre la coquille. " C'est quoi ce coquillage que vous avez trouvé ?" nous demande-t-il. Après une brève explication il nous souhaite bon voyage en attendant pour sa part midi et son repas du dimanche. L'essentiel pour chacun de nous n'est-t-il pas de vivre l'instant?

Hier soir, Brieuc et Dominique, avec la complicité de nos hôtes nous font la surprise de nous rejoindre de BUC pour fêter l’anniversaire d’Alain avec champagne et gâteau. Nous fêtons nos retrouvailles et l’évènement avec allégresse en compagnie de Suzanne et Jean-Yves nos hôtes à La Bouzie. Ils nous ont préparé un repas bien sympathique. Il se joignent à nous ce matin pour partager le petit déjeuner et nous apprécions leur générosité spontanée. Ils nous conduisent jusqu’à la Loire et nous cheminons avec nos amis jusqu’à Blois pour une petite étape de récupération.

Nous partageons ensemble la sérénité de la ville et terminons par la visite du château. Nous savons que le cœur d’Anne de Bretagne a pris le chemin du château de Blois depuis quinze jours. Nous partageons notre amitié autour de ce cœur qui, symboliquement est toujours vivant. Compostelle anime les liens du cœur de façon si spontanée.

Après un petit déjeuner 5* à Beaugency, nous nous dirigeons vers Suevres par le bord de Loire. Bien que 29 kms nous attendent, la route est bucolique sous le doux climat de Loire. Nous sommes attendu à la ferme paysanne de La bouzie où nous serons accueillis avec chaleur.

C'est une étape importante pour Alain. D'une part, c'est son septième jour de marche mais c'est surtout l'anniversaire de ses 63 ans. Nous immortalisons l'évènement sous les cheminées se la centrale de Saint-Laurent les eaux qui nous servirons de bougies.

Ce spectacle insolite nous ramène à la réalité du quotidien. Car s'il dépare la beauté du chemin, comment pourrions nous faire sécher notre linge...ou faire vivre ce blog !
Le chemin c'est d'abord celui de la vie... et des années qui passent.

Nous quittons Orléans par les bords de Loire calmes et reposants sous le soleil. Nous croisons de nombreux randonneurs d’un jour qui, admiratifs nous prodiguent leurs encouragements. Nous sommes plutôt embarrassés car nous n’avons encore rien prouvé. Il nous reste à être digne de cette confiance.

Notre émotion du jour est marquée par notre rencontre avec un artiste ébéniste que nous apercevons dans sa vitrine. Il nous invite au dialogue dans son échoppe. Mr ABERT est un artisan ébéniste d’exception qui sculpte les pièces telles qu’on les faisait au Moyen-âge. Il nous présente quelques œuvres destinées à de riches propriétaires fortunés du Moyen-Orient. Nous lui transmettons notre fierté de le voir maintenir ces traditions et d’être ce passeur du temps.

Nous quittons la chaleureuse chambre d’hote de mme Thomas. Si la température est encore fraiche, le soleil nous remplit d’énergie. Nous quittons sans regret la Beauce pour nous enfoncer dans la foret d’Orléans. Le hasard nous conduit droit vers un équipage de chasse à courre en attente du départ. Nous échangeons longuement avec un respect mutuel sur nos démarches respectives. Chacun d’entre nous perpétue à sa façon une tradition ancestrale. Nous faisons étape chez Catherine et Pascal qui nous réservent un accueil réparateur.

Avec ses 32 kms,l’étape s’annonce lourde. C’est sans compter avec la pluie fine et constante et une température de 5°C. Par ce temps, le grenier de la France n’est qu’une morte plaine sans obstacle à l’horizon pour vous protéger. « La terre est amoureuse ici », nous avait-on prévenu, et cet amour attachant est une véritable prison. Au bout de vingt pas sur un chemin de terre, nos chaussures pèsent des tonnes nous imposant de faire demi tour. Nous nous rabattons sur la D20 qui déroule son ruban interminable et son escorte de camions. Pour recompenser nos efforts, notre hote, Mme Thomas nous sert un plat gastronomique local.

Nous faisons tamponner notre crédanciale à Bouville par une employée de mairie fort aimable. Nous passons dans la campagne vers Boissy la rivière à travers la Beauce et ses immensités .. On est seuls avec les lapins les lièvres et les perdrix, rien à l’horizon. silence le colza et le blé poussent... Nous évoquons la mutation du monde agricole. Après guerre on ne trouvait pas de pain. Il en sera de même aujourd’hui : nous avons oublié que nous sommes lundi et que toutes les boulangeries sont fermées. Tout est fermé comme si les habitants avaient fui la peste... nous mangeons des barres de céréale de secours. La fin du parcours est pénible, arrivé, péniblement, à Mereville , on s’aperçoit que le gite est à 3km en arrière... ces 3 km vont être très pénibles. Le gite est très grand mais pas possible de manger, là encore on mange des pâtes japonaises emportées en secours et Jean Pierre cuisine un sachet de purée trouvé dans l’armoire..la recette parle de lait, ce sera de l’eau

Françoise va nous accompagner pour les premiers Kilomètres. Départ 8h45. L’itinéraire emprunte les routes, en ville et dans des zones industrielles au début, la fin est très sympa à travers bois. Et nous sommes bénis des dieux : c’est dimanche, jour de vote et le trafic est très réduit. Toute la journée de lourds nuages noirs nous poursuivent sans s’abattre sur nous alors qu’une auréole lumineuse nous guide. La grêle s’abattra après notre arrivée chez Mr et Mme Davoine. Le repas du soir non prévu s’avère très copieux. Nous sommes chez des gens remarquables, on a beaucoup discuté. Bilan de la journée très positif, on a reçu des encouragements sur la route de plusieurs personnes, une ampoule pour Alain et des douleurs aux pieds (26km hier, 27 aujourd’hui) autre bonne nouvelle, Myriam est au anges, la liste pour la mairie où elle figure a été élue au premier tour.

Départ 8H30 par une pluie fine, 7°C de température, avec Myriam pour le 1er Kilomètre. Le sac est bien lourd à cette heure là. Après un dernier bisou, Myriam fait demi-tour, je me retourne deux fois en la voyant s’éloigner.... C’est la première fois que nous nous séparons pour plus de deux semaines.. Séquence émotion... Au bout d’une heure, le sac est moins lourd, le genou est moins douloureux, les villes défilent : Jouy en Josas, Bièvres, Igny, Massy, Palaiseau. Là je rencontre dans la rue déserte sur un vélo des années 60, David Brochard ex DiBcom et Simpulse très surpris de me voir. Ensuite Longjumeau, je passe devant e Conseil de Prud’hommes... là où on a défendu notre cause après la rupture avec DiBcom. ...après Gravigny le soleil fait de courtes apparitions...déjeuner sur l’herbe (sandwich banane).. Ensuite Epinay sur Orge...parcours sympa le long de l’orge .... Château de Morsang et arrivée chez Françoise et Jean Pierre... il est 13H50. Tout va bien pour l’instant.

Le chemin garde en contact avec la réalité. Lors d’une marche test près de Bondoufle, nous rencontrons un cortège des employés d’une entreprise qui nous confronte à la dure réalité de la vie.
Si nous souffrons en marchant, nous rencontrons aussi la vraie souffrance dans la rue, celle d’une France qui a peur de perdre son emploi et qui marche pour défendre son gagne pain.
Chaque marche porte avec elle son propre sens...

On commence a se remettre en forme, à tester ses limites. Nous arrivons à la conviction qu’il nous faut maintenir un régime de 25 à 30 kms maximum par jour. Jean-Pierre décide de s’équiper d’un GPS de randonnée. Cela peut paraitre un luxe, et pourtant, il nous fait découvrir des chemins de randonnées à deux pas de chez nous, et des pépites si bien protégées. La technologie a finalement quelques vertus...
Nous essaierons de nourrir ce blog régulièrement avec les photos du voyage et des récits que vous pourrez suivre avec un ou deux jours de retard.

Depuis un an que cette idée nous trotte dans la tête et 3 mois que la décision a été prise avec une date de départ (22 mars de Buc pour moi et 23 mars pour Jean Pierre), on commence à y penser un peu plus souvent. Le paquetage prend forme avec l'obsession du poids de 10Kg à ne pas dépasser. Il faut étudier le pour et le contre de prendre ou ne pas prendre.... chaque élément.....une paire de chaussure de secours, une deuxième polaire, des médicaments. Quels plaisirs veut-on emporter ou quelles douleurs voulons nous contourner ?
A la maison il faut préparer notre absence avec les démarches administratives qui nous incombaient qu'il faut transférer à nos épouses ainsi que le fonctionnement de la maison: eau, électricité etc. Nous ne serons en fait jamais bien loin, nous emportons tout de même nos téléphone portables....smartphones modernes... qui ne seront en mode réception qu'à notre arrivée à l'étape en milieu d'après midi. Les étapes que nous prévoyons sont de 25 à 30kms par jour que nous effectuerons le matin dans la mesure du possible.
L'entrainement physique nous parait au point. Nous savons que l'enchainement des marches nous fera souffrir pendant la première quinzaine. Nous avons apporté une attention toute particulière au choix de nos chaussures.... les pieds c'est le plus important

Alain et Jean-Pierre sont en semi retraite depuis 2 ans, mais ils sont restés des adeptes de l’effort. Ils se sont confrontés à quelques épreuves communes et de longues promenades en montagne. Le dernier trek au Matchu Pitchu a fait germer l’idée d’une longue marche pour marquer 40 ans d’amitiés dans un effort partagé. Cette nouvelle épreuve renforcera t’elle les liens du temps ?

Cette fois , c’est décidé, nous allons partir pour Compostelle depuis notre foyer. Sans trop y réfléchir, la Via Turonensis (Le passage par TOURS) s’est imposée comme l’itinéraire naturel. Il part de Paris, passe chez nous et débouche sur le camino frances à St Jean-Pied de Port. C’était déjà le chemin naturel des pèlerins du Nord Ouest ( Pays-bas, Danemark, Belgique) et des Bretons.
Sans être une traversée du désert, il nous faut prévoir 40 jours de pénitence pour franchir à raison de 25 kms quotidien les mille premiers kilomètres de notre circuit. Peut-être alors continuerons nous sur le Camino francès.
Nous partirons le lendemain du printemps, au moment ou la nature s’éveille, les jours se rallongent et la température est encore fraiche. Nous espérons être peu nombreux sur les routes pour éviter l’encombrement des hébergements et profiter pleinement de la sérénité du chemin.

Lors de nos voyages en Inde, nous étions admiratifs de tous ces pèlerins qui défilaient déguenillés en grappe en destination de Bénarès ou d’autres sites vénérés. Ces défilés interminables le long des routes nous subjuguaient sans que nous en comprenions réellement le sens.
Et pourtant, on a tous envie de donner du sens à sa vie. Car marcher, c’est rester en action, se sentir exister. Il nous semblait évident qu’au terme de notre vie professionnelle il nous fasse encore faire tourner la machine, dans un acte gratuit, sans rien attendre en retour .
Les chemins mythiques de Compostelle s’imposent non pas pour des raisons typiquement religieuses en ce qui nous concerne, mais pour son coté organisé, hébergements, sentiers et foulés depuis des siècles par une foule anonyme.
Mais nous espérons aussi que le chemin nous imprègnera de sa densité spirituelle et nous aidera à nous préparer à nous dépouiller de tout le superflu...